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Lutte contre le blanchiment : « La coopération des Etats est essentielle »

Le colloque organisé en ce début de semaine sur la coopération internationale dans la lutte contre le blanchiment, alors que Monaco poursuit son adaptation aux recommandations Moneyval, s’est-il déroulé comme vous l’espériez ?


Ce colloque, organisé par l’Institut Monégasque de Formation aux Professions Judiciaires, a représenté une grosse opération en termes de programmation et de logistique. Nous avons accueilli des intervenants de haut niveau venus de plusieurs pays étrangers, et le colloque, qui s’est déroulé dans la prestigieuse salle de conférences du Musée océanographique, a attiré plus de 250 personnes sur les deux jours. Nous avons eu l’honneur de recevoir le Prince, son directeur de cabinet et l’un de ses conseillers. Deux conseillers de gouvernement-ministres (Intérieur et Finances et Economie) étaient également présents, ainsi que de nombreux institutionnels venant du gouvernement et du Conseil national. Les professions judiciaires ainsi que des représentants du secteur financier, et de l’ensemble des banques de la place nous ont également honoré de leur présence. Ce n’est pas anodin. La forte fréquentation de cet évènement est un signal fort de l’engagement de tous les acteurs publics et privés de la Principauté dans la lutte contre le blanchiment.


La présence de Jean-François Bohnert, procureur de la République financier, a été remarquée. Sur quels points a-t-il insisté ?


Jean-François Bohnert, chef du parquet national financier - PNF - en France, a fait une intervention éclairante. Il a rappelé le rôle du parquet national financier, créé en 2014 suite à une affaire bien connue de fraude fiscale et blanchiment. Le PNF est devenu une institution de premier ordre en matière de lutte contre la grande délinquance financière, qui a déjà rapporté 12 milliards d’euros à l’Etat français. Son efficacité provient, d’une part, de son caractère spécialisé en matière financière et, d’autre part, du recours à la justice dite transactionnelle, qui permet d’éviter une condamnation pénale. Jean-François Bohnert a ainsi exposé le cas de l’affaire Airbus dans laquelle l’avionneur européen a volontairement coopéré à l’enquête du PNF sur des faits présumés de corruption et payé une amende de 3,6 milliards d’euros dans le cadre d’une Convention Judiciaire d’Intérêt Public (CJIP), en 2020. Cette affaire a permis de démontrer toute l’efficacité de la coopération pénale internationale, les faits de corruption ayant en l’espèce une dimension planétaire et trois pays ayant coopéré activement dans le cadre d’une équipe commune d’enquête (les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France, en son PNF).


Vous aviez invité également des représentants d’Interpol et d’Eurojust. Comment ont-ils présenté le rôle de ces organisations internationales dans la lutte contre le blanchiment ?


William Hippert, sous-directeur de l’analyse criminelle à Interpol, était également notre invité. Il a présenté Interpol, organisation internationale de coopération policière, comptant 196 membres, dont Monaco. Interpol a un rôle capital dans la lutte contre la criminalité financière, notamment en mettant à disposition des pays des notices et fichiers d’analyse criminelle. Plus spécialement en matière de criminalité financière, Interpol, grâce à un système de communication 24h/24h, permet de mettre en relation les pays de manière immédiate et ainsi d’opérer des blocages de fonds. Après la coopération policière, il fallait naturellement évoquer la coopération judiciaire. Sébastien Fetter, procureur de liaison pour la Suisse à Eurojust, est ainsi venu, à notre demande, présenter l’unité de coopération judiciaire de l’Union européenne, sous l’angle de l’Etat tiers, ce qui est le cas de la Suisse et de Monaco. Il a expliqué le rôle du procureur de liaison et du point de contact, qui, aux côtés des représentants nationaux des Etats membres de l’Union européenne, facilitent et accélèrent la coopération judiciaire. Monaco dispose désormais d’un point de contact parfaitement identifié. J’ajoute qu’à l’issue de ces interventions, Marina Teller, professeur à l’Université Côte d’Azur, a évoqué les interférences entre le blanchiment et les flux de données, abordant ainsi un autre grand sujet d’actualité.


© Frédéric Nebinger - Direction de la Communication


Parmi les intervenants étrangers, certains venaient du Maroc, de l'Italie ou encore du Brésil. Pourquoi ces trois pays ? Quel a été l'apport de leurs interventions ?


Nous avons reçu un agent judiciaire du Royaume du Maroc, exerçant en fait les fonctions d’avocat de l’Etat, Abderrahman El Lamtouni, en raison des liens existant entre nos deux pays mais aussi d’une collaboration opérationnelle entre nos deux Justices et également eu égard à la sortie récente du Maroc de la liste grise du GAFI, grâce à d’importantes réformes. Nous avons aussi choisi de faire intervenir le magistrat de liaison italien, compétent pour la France et Monaco, Roberta Collida, qui a exposé le rôle des magistrats de liaison, dans la facilitation au quotidien de l’entraide judiciaire internationale. Enfin, nous avons invité le procureur de l’Etat de Rio de Janeiro, Bruno Teixeira Dubeux, afin d’avoir le témoignage d’un représentant de l’Amérique latine. Celui-ci a exposé les problèmes de corruption et de blanchiment au Brésil et les réformes récemment prises pour y remédier. Avec Gregory Coleman, intervenu la veille, quatre continents étaient représentés dans le cadre de ce colloque, ce qui correspond bien à la dimension internationale que je souhaite donner aux travaux de l’Institut de formation.


Plus généralement, quelles conclusions tirer de ce colloque de haut niveau ?


Ce colloque de haut niveau aboutit à une conclusion claire : le blanchiment d’argent est un phénomène transnational. On ne peut donc le combattre de manière isolée. La coopération des pays est essentielle. Les services de police et les autorités judiciaires des différents Etats doivent communiquer, s’entraider. Cette coopération passe par des échanges de données, le recours à des facilitateurs comme Interpol ou Eurojust, à des magistrats de liaison, ou encore à des outils opérationnels comme les équipes communes d’enquête. La Principauté, par sa configuration géographique et son histoire, est tournée vers l’extérieur ; de plus, les nouveaux instruments de communication permettent un passage aux frontières sans obstacles ni contraintes. En matière de police et de justice, l’entraide et la coopération internationales sont indispensables pour répondre à tous les nouveaux enjeux de la criminalité. Le fort intérêt qu’a suscité ce colloque l’a, à nouveau, démontré.


Propos recueillis par Noël METTEY



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