Les directives européennes CSRD et CS3D renforcent la responsabilité des entreprises multinationales envers l'environnement et les droits humains. Ces règles influencent l'évaluation des investisseurs lors de certaines opérations et fournissent des informations ESG détaillées, permettant de juger l’implication des entreprises dans le développement responsable. Chronique juridique de Julie Guenand, avocate, défense pénale et éthique des affaires, chez Simon Associés.
La question de la responsabilité des entreprises en matière d’environnement et de droits humains est débattue depuis longtemps, mais la création d’un cadre international demeure compliquée. Si l’OCDE et les Nations Unies ont émis des recommandations non contraignantes, les organismes internationaux plaidaient tout de même pour l’instauration d’obligations rigoureuses.
En Europe, c’est au niveau national que la question était traitée dans un premier temps, notamment en France, mais la question de l’harmonisation européenne s’est rapidement posée.
En effet, l’Union Européenne renforce, dans le cadre du Pacte Vert, la responsabilité des entreprises multinationales en matière de droits humaines et d’environnement, en imposant de nouvelles obligations de reporting, spécifiquement sur les données ESG (environnementales, sociales et de gouvernance) et de nouvelles obligations de conformité.
Dans le cadre de cette démarche, la Directive européenne Non Financial Reporting Directive (NFRD) encadrant les déclarations de performance extra-financière des sociétés européennes est remplacée par la Directive UE 2022/2464 Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) dont l’objectif est d’améliorer la disponibilité et la qualité des données ESG qui sont transmises aux acteurs financiers et particulièrement aux investisseurs.
Cette Directive s’appliquera progressivement à compter du 1ᵉʳ janvier 2024 et concernera :
Celles-ci devront publier des informations détaillées sur leurs risques, opportunités (sauf pour les sociétés non-européennes) et impacts matériels liés aux questions ESG.
La nouvelle Directive « Devoir de vigilance », connue sous le nom de Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CS3D), était adoptée par l’Union européenne le 1er juin 2023. Les discussions trilogues entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission européenne devraient se terminer fin 2023 et l’application du texte devrait être faite dans les deux années suivantes.
Inspirée du droit français, cette Directive ambitionne la promotion du respect des droits humains et la protection de l’environnement et cherche à atteindre les objectifs de développement durable des Nations Unies.
Cette Directive devrait concerner :
Ces entreprises auraient pour obligation de :
Les entreprises devraient identifier les impacts de leurs activités sur les droits humains et l’environnement et les plus grandes entreprises devraient adopter un plan garantissant que leur modèle d’entreprise est compatible avec une économie durable.
Enfin, contrairement à la loi française, la Directive européenne instituerait une autorité de contrôle pour veiller à la conformité des obligations et à la mise en place du dispositif de conformité. Cette autorité pourrait émettre des recommandations pour aider les entreprises à se conformer et sanctionner les manquements par une sanction pécuniaire basée sur le chiffre d’affaires.
Le sigle ESG est utilisé par la communauté financière internationale et notamment par les investisseurs pour désigner l’ensemble des critères environnementaux (gestion des déchets, émission de gaz à effet de serre, épuisement des ressources, etc.), sociaux (droits de l’homme, égalité homme/femme, sécurité, discrimination, etc.) et de gouvernance (comptabilité, corruption évasion fiscale, direction, etc.), qui sont les trois critères principaux des analyses extra financières. Ils permettent de mettre en évidence la stratégie de développement durable et d’investissement responsable de l’entreprise.
Les investisseurs intègrent ces critères ESG dans leurs décisions pour mesurer le niveau de durabilité, de transparence et de responsabilité d’une entreprise. En effet, lorsque les investisseurs mènent des diligences préalables avant une fusion ou une levée de fonds, ils analysent minutieusement les risques et les opportunités liés à l’entreprise cible.
Lorsqu’une entreprise cible est assujettie à la Directive « Devoir de vigilance », les investisseurs doivent s’assurer que cette entreprise a cartographié ses risques et a mis en place des politiques et procédures appropriées pour se conformer à ces obligations. Ils évalueront si l’entreprise identifie et atténue les risques de manière proactive, si elle communique publiquement sur ses efforts de conformité et si elle intègre ces préoccupations dans ses activités quotidiennes.
Au même titre que les critères ESG, la Directive « Devoir de vigilance » devient un élément clé des analyses faites par les investisseurs en amont d’une opération. Ils peuvent ainsi évaluer plus précisément les risques et les coûts associés à d’éventuels litiges, sanctions ou perturbations opérationnelles résultant de la non-conformité aux nouvelles normes.
Cela permettra aux investisseurs d’identifier les entreprises qui prennent ces enjeux au sérieux et qui sont mieux préparées à faire face aux défis émergents en matière de responsabilité sociale et environnementale.
Julie GUENAND
Avocate
SIMON ASSOCIES
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