LE DEVOIR DE VIGILANCE S’IMPOSE POUR UNE FINANCE DURABLE

Christophe BARDY - GRACES community
7/9/2024
Propulsé par Virginie
Cet article est réservé aux membres GRACES.community

La transition énergétique est un enjeu majeur du XXIe siècle. De facto, les droits de l’Homme et le droit de l’environnement s’invitent dans la partie. Le droit français est pionnier en la matière. En effet, depuis l’accident du Rana Plaza, le 24 avril 2013, plusieurs ONG, rejointes par les principales centrales syndicales et le monde universitaire, ont renforcé le dialogue avec le Parlement, dont l’aboutissement a été la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, codifiée aux articles L. 225-102-4 et L. 225-102-5 du Code de commerce.


Confrontées à ses obligations réglementaires, les banques jouent un rôle essentiel en orientant leurs financements et leurs investissements vers des énergies plus durables et en réduisant leurs financements liés aux énergies fossiles, en particulier sur les nouveaux projets E & P. Depuis 2020, les six plus grandes banques françaises (BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole, Crédit Mutuel Alliance Fédérale, Groupe BPCE et La Banque Postale) ont réduit leurs financements aux énergies fossiles de 56%, passant de 90 milliards de dollars à moins de 40 milliards de dollars en 2023.


Cadre normatif français


La loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 a instauré, dans le code de commerce, de nouvelles obligations de vigilance à l’égard des sociétés qui emploient pendant 2 années consécutives plus de 5 000 salariés en France (ou plus de 10 000 en France et à l’étranger).


Il est fait obligation à ces entreprises d’établir, de publier, de respecter et d’évaluer un Plan de vigilance qui doit (article L. 225-102-4 du Code de commerce) :


– identifier tous les risques relatifs aux droits humains et à l’environnement que leurs activités peuvent générer ;


– prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement dans toute leur sphère d’influence (les filiales, les fournisseurs et les sous-traitants).


Par ce nouveau texte, le législateur français a cherché à adopter une loi visant à prévenir les atteintes à l’environnement par ces multinationales établies en France. Si la France a été pionnière en la matière, son exemple a depuis ouvert la voie à une révolution européenne de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. En quelques années, elle a inspiré l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Finlande, la Norvège, le Luxembourg et les Pays-Bas, qui ont tous adopté ou sont en train d’élaborer des législations similaires.


Soulignons-le, la directive européenne Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) s’inspire fortement des dispositions existant en droit français, offrant un avantage non négligeable aux entreprises françaises déjà soumises à ces obligations. Toutefois, le texte consacre également de nombreuses innovations.


Directives européennes


Publiée au Journal officiel du 7 décembre 2023, la transposition de la directive européenne CSRD en droit français vise à harmoniser le reporting de durabilité des entreprises, améliorer la qualité des données ESG publiées et créer un lien entre l’information ESG et la performance économique des entreprises. Plus précisément, cette directive a pour objet d’imposer la publication, par les entreprises, d’informations en matière de « durabilité ».


Applicable progressivement depuis le 1er janvier 2024, la CSRD remplace l’actuelle Non-Financial Reporting Directive (NFRD) dont la transposition française est la déclaration de performance extra-financière (DPEF). Elle prend sa place au sein du rapport de gestion. Ces informations, beaucoup plus étoffées que la DPEF, doivent être fiables, comparables et accessibles. Elles répondent au principe dit de « double matérialité, qui se définit au moyen de deux approches :


– les risques de durabilité, soit l’impact que peuvent avoir des évènements extérieurs en matière de durabilité sur le rendement du produit financier (matérialité financière ou Outside-in),


– les incidences en matière de durabilité, soit l’impact que peuvent avoir les investissements réalisés dans des entreprises sur les facteurs de durabilité externes (matérialité d’impact ou Inside-out).


Quatre grandes évolutions caractérisent le passage de la DPEF à la CSRD : le champ d’application, l’intégration de la chaîne de valeur de l’entreprise au-delà de ses strictes activités, la certification des données extra-financières par les commissaires aux comptes ou un auditeur d’informations en matière de durabilité exerçant au sein d’un organisme tiers Indépendant et la nécessité de formaliser des plans de progrès au regard de ses impacts financiers les plus significatifs.


Une autre directive interagit avec la CRSD, à savoir la CSDDD, une directive européenne visant à imposer aux entreprises un devoir de vigilance en matière de durabilité lié au respect des droits de l’homme et à la protection de l’environnement.


Ce que dit la CSDDD


La CSDDD, est une directive européenne visant à imposer aux entreprises un devoir de vigilance en matière de durabilité lié au respect des droits de l’homme et à la protection de l’environnement.


La CSDDD s’appliquera aux entreprises européennes (ou à la société mère d’un groupe) employant plus de 1 000 salariés et ayant réalisé un chiffre d’affaires net de plus de 450 millions d’euros au niveau mondial et aux entreprises étrangères (ou la société mère d’un groupe) ayant réalisé un chiffre d’affaires de plus de 450 millions d’euros dans l’UE.


Les entreprises soumises au devoir de vigilance devront consulter les parties prenantes lors de la mise en place des obligations prévues par la directive, ainsi que prévoir un mécanisme efficace de recueil des plaintes et de remédiation. Il existera une obligation pour les entreprises de prévenir les risques en matière de droits humains, d’environnement et de gouvernance liés à leurs opérations et à celles de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs.


Elles devront également évaluer « les impacts négatifs réels et potentiels sur les droits de l’homme et sur l’environnement, en ce qui concerne leurs propres activités, les activités de leurs filiales et les activités menées par leurs partenaires commerciaux dans les chaînes des activités de ces entreprises ». Ipso facto, la CSDDD contraindra les entreprises à s’assurer que leurs activités n’altèrent pas l’environnement et se fassent dans le respect de la déclaration universelle des droits de l’homme. Ce devoir de vigilance s’applique non seulement aux activités directes de l’entreprise mais également à une large partie de leur chaîne de valeur, c’est-à-dire qu’il comprend leurs filiales, leur chaîne d’approvisionnement et les activités de l’ensemble de leurs partenaires commerciaux.


Pour finir, la mise en application des obligations liées à la CSDDD sera bien évidemment contrôlée. Chaque Etat membre de l’UE devra désigner l’autorité de contrôle avec (i) un pouvoir d’investigations sur leur propre initiative ou à la demande de parties prenantes, (ii) la possibilité de mettre en place un mécanisme de gestion de plaintes en concurrence avec celui volontaire des entreprises et (iii) le droit d’imposer des pénalités qui ne pourront toutefois pas dépasser 5 % du chiffre d’affaires mondial. En parallèle, la Commission européenne va mettre en place un réseau européen composé de représentants des autorités de contrôle de chaque pays membre.


Les États devraient disposer d’un délai de deux ans pour transposer dans leur droit national, la directive, et l’entrée en vigueur des obligations est prévue de façon graduelle à compter de 2027 en fonction des effectifs et chiffres d’affaires des entreprises visées.

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