Quelle place pour la conformité bancaire au Sénégal et dans l’UMOA ?

Christophe BARDY - GRACES community
3/11/2023
Propulsé par Virginie
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Moussa Sylla est Directeur de la Conformité au sein d’un établissement de crédit, et auteur du livre La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA, qui vient de paraître. Ce livre a été écrit pour aider les banques de la zone UMOA à se conformer à leurs obligations réglementaires, en soulignant comment implanter un dispositif de conformité et comment l’appliquer.


Les banques évoluent dans un secteur d’activité réglementé. Elles sont ainsi assujetties à des normes (lois, circulaires, règlements, instructions) qu’elles doivent respecter. Au Sénégal et au sein de la l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) les banques doivent tout d’abord obtenir un agrément pour pouvoir exercer.


Après avoir obtenu cet agrément, les banques doivent respecter un certain nombre de règles : elles font notamment partie des personnes assujetties à la règlementation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Dès lors, elles doivent mettre en place un dispositif de lutte contre ces deux fléaux, en connaissant leur clientèle (KYC), surveillant leurs transactions, filtrant les personnes qui effectuent des transactions dans leurs livres, déclarant à la CENTIF toutes les opérations en espèces égales ou supérieures à 15 millions de francs CFA, ainsi que les transactions suspectes…


Les banques ne sont toutefois pas les seules personnes assujetties à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme qui doit être un effort collectif - sinon, nous en pâtissons tous. Il y a un fort soupçon que le boom immobilier que connaît le Sénégal est dû au blanchiment de capitaux. Si les notaires et les agents immobiliers ne jouent pas aussi leur rôle pour combattre le blanchiment de capitaux, le Sénégal y sera toujours en proie, et les classes moyennes continueront d’éprouver de grandes difficultés pour se procurer un logement.


Cela est également valable pour la corruption, qui fait partie des infractions sous-jacentes du blanchiment de capitaux. Un pays qui connaît une forte corruption est un pays très vulnérable au blanchiment. Si le Sénégal ne combat pas avec force la corruption, il sera utopique de penser qu’il pourra éradiquer le blanchiment de capitaux.


Les banques doivent par ailleurs respecter les réglementations relatives au dispositif prudentiel, faire preuve de loyauté envers leurs clients en leur vendant des produits et services adaptés à leurs besoins, et procéder, avant d’exécuter un transfert à l’étranger, à des vérifications telles que requises par la Réglementation sur les relations financières extérieures de l’Union…


Si elles ne respectent pas toutes ces réglementations, les banques s’exposent à des sanctions financières et disciplinaires de la part de la Commission bancaire, qui est leur organe régulateur. À l’échelle mondiale, les sanctions peuvent être très dures ; la banque allemande, Deutsche Bank a récemment été sanctionnée d’un montant de 186 millions de dollars par le régulateur américain pour non-respect du dispositif réglementaire de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.


Dans la zone UMOA, depuis juin 2022, des banques ont été sanctionnées jusqu’à 300 millions de francs CFA pour non-respect de diverses réglementations qui leur sont applicables.

Les sanctions peuvent avoir un impact important, notamment sur l’aspect réputationnel, puisqu’elles peuvent faire fuir les clients ou pousser ses correspondants bancaires à cesser toute relation. Dans la zone UMOA, les sanctions sont pour le moment anonymes, mais cela pourrait rapidement changer. À l’échelle internationale, le nom des banques sanctionnées sont souvent publiques, nuisant à leur image et à leur réputation.

 

Le rôle de la conformité est de s’assurer que toutes les réglementations applicables à la banque sont respectées. Pour cela, la conformité doit identifier toutes les normes qui régissent une banque, les diffuser à l’ensemble du personnel et établir des contrôles pour s’assurer de leur respect. Par ailleurs, elle doit former et sensibiliser l’ensemble du personnel. Pour assurer son indépendance, elle doit rendre compte au Conseil d’administration et ne doit pas exercer des fonctions opérationnelles ou génératrices de revenus afin d’éviter tout conflit d’intérêts.


Les banques sont tenues de disposer « d’une fonction conformité permanente » dans la zone UMOA, selon la circulaire 05/2017/CB/C. C’est une chose d’en disposer d’une, c’en est une autre que ses avis soient sollicités et écoutés. Certaines entreprises mettent en place une fonction conformité « cosmétique », uniquement pour répondre à l’exigence règlementaire. Aussi dit-on que la conformité commence par le sommet, le Conseil d’administration et la Direction générale : ce que les Anglo-Saxons appellent le « tone from the top ».


Les dirigeants d’une banque doivent en outre montrer, à travers leurs mots et leurs actes, que la conformité est importante pour eux. Pour cela, ils doivent lui octroyer des ressources humaines suffisantes et les ressources matérielles nécessaires afin qu’elle puisse être efficace dans ses tâches. La fonction conformité à elle seule ne peut faire respecter les règles dans une entreprise. Si elle n’a pas le soutien du top management, aussi volontaire et compétente soit-elle, elle sera inefficace.


C’est le sens des mots de Peter B. Driscoll, directeur de l’Office of Compliance Inspections and Examinations du Securities and Exchange Commission (SEC), le régulateur américain de la Bourse, dans un discours du 19 novembre 2020, intitulé « The Role of CCO – Empowered, Senior and With Authority : « L’un des aspects les plus importants d’un programme de conformité efficace consiste à faire en sorte que le top management soutienne la Conformité et donne à son directeur les moyens d’accomplir son travail efficacement. Sans le soutien de la Direction générale, aucun directeur de la conformité, aussi diligent et compétent soit-il, ne peut être efficace (…). La cause ou le blâme d’un problème ou d’un échec de conformité n’incombe généralement pas uniquement au directeur de la Conformité et peut ne pas être dû en totalité au directeur de la Conformité ».


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