Je vous ai proposé récemment une contextualisation du risque climatique (épisode 1) qui conduit à s’interroger sur la nouvelle logique de transfert du risque climatique : la réticence des compagnies d’assurances à assurer le risque climatique rend en effet nécessaire la mise en place d’une démarche de gestion des risques par les entreprises.
Plus la rubrique lire et relire sur ce sujet :
Dans l’ouvrage « RISK MANAGEMENT. ORGANISATION ET POSITIONNEMENT DE LA FONCTION RISK MANAGER. METHODES DE GESTION DES RISQUES. »,
CH I Définition des notions mobilisées et contextualisation de la Fonction Risk Manager, Amplificateur de risque 1 : le régulateur, législateur, p. 53-65.
https://librairie.gereso.com/livre-entreprise/risk-management-fris2.html
Sur le blog
Le risque climatique : impact sur les institutions financières et la gestion des risques
A la poursuite du risque climatique…RSE et maîtrise des risques
La nécessaire gestion du risque climatique et ses interactions avec la RSE
Risque climatique et assurances.
Le périmètre d’activité des Risk Managers ne cesse de s’élargir.
Je vous propose :
Aujourd’hui : des éléments de réflexion, à partir de trois articles, sur la prise en charge du risque climatique par les assurances et la question de son assurabilité. Les deux premiers présentent la mission sur l'assurabilité des risques climatiques lancée par le gouvernement : Pourquoi faire ? Qui y participent ? Quels attendus ?
Le troisième, plus analytique, analyse la notion d’assurabilité du risque climatique.
Dans deux semaines, un article et un rapport à lire pour lui préférer ou a minima lui adjoindre un changement de paradigme et la mise en œuvre orchestrée par un Risk Manager corporate d’une démarche de gestion du risque climatique.
Bruno Le Maire et Christophe Béchu lancent une mission sur l'assurabilité des risques climatiques
Bruno Le Maire et Christophe Béchu lancent une mission sur l'assurabilité des risques climatiques, chargée de faire des propositions pour garantir la soutenabilité du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles et renforcer le rôle du système assurantiel dans la prévention, l'atténuation et l'adaptation face au dérèglement climatique.
Bruno le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, et Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, annoncent le lancement d’une mission chargée d’élaborer un état des lieux et des recommandations sur l’évolution du système assurantiel français face aux enjeux posés par le dérèglement climatique. Cette mission s’inscrit dans le cadre des travaux de planification écologique conduits sous l’autorité de la Première ministre.
L’augmentation de l’intensité et de la fréquence des évènements climatiques en France métropolitaine et dans les Outre-mer se traduit par une hausse importante et durable des coûts d’indemnisation des pertes matérielles, agricoles et d’exploitation, lesquels pourraient représenter 70 milliards d’euros de coûts additionnels au cours des trois prochaines décennies.
Cette dynamique de coûts implique de réfléchir aux efforts de prévention additionnels à réaliser et aux moyens de garantir à l’avenir l’assurabilité des particuliers, entreprises, collectivités territoriales et des écosystèmes dans les territoires fortement exposés aux risques climatiques.
Dans ce contexte, les ministres ont confié une mission visant à élaborer des recommandations sur les enjeux et évolutions du système assurantiel français face aux risques climatiques à trois personnalités reconnues :
Les travaux de cette mission porteront en particulier sur trois axes :
En lien et avec l’appui de la direction générale du Trésor et de la Caisse centrale de réassurance, cette mission analysera la pertinence de nos outils actuels d’indemnisation et de prévention des risques climatiques, et le rôle du système assurantiel dans le contexte d’adaptation au changement climatique des territoires de France métropolitaine et d’outre-mer. La mission s’appuiera aussi sur l’expertise des services et opérateurs du ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, notamment l’observatoire national des effets du réchauffement climatique (ONERC), la direction générale de la prévention des risques (DGPR), le BRGM et Météo France.
La mission formulera ses recommandations aux ministres d’ici décembre 2023.
Une concertation large des acteurs concernés – assureurs, réassureurs, organismes de recherche, élus et représentants de la société civile – sera menée dans le cadre de cette mission.
A l’occasion d’un déplacement en Guadeloupe et en Martinique au cours duquel Bruno Le Maire a évoqué les enjeux d’assurabilité dans les territoires ultra-marins face au dérèglement climatique, le ministre a déclaré que « les évènements climatiques extrêmes – tempêtes, inondations, cyclones, sécheresses – se multiplient et augmentent en intensité. Ces évènements posent dès aujourd’hui la question de l’assurabilité de nombreux territoires, en Outre-mer comme en métropole. C’est pourquoi j’ai demandé à trois experts de l’assurance et de l’adaptation au changement climatique de réaliser un état des lieux actualisé et de faire des recommandations pour renforcer, en lien avec le système assurantiel, nos moyens d’action et de prévention face à ces risques ».
Selon Christophe Béchu : « La trajectoire d’adaptation de notre pays au changement climatique que j’ai présenté le 23 mai dernier, implique de déployer dès aujourd’hui les politiques publiques qui permettront de mieux prévenir les risques environnementaux. Cette mission contribuera à la réflexion engagée par le gouvernement sur la stratégie d’adaptation de la France, en précisant le rôle indispensable des acteurs du système assurantiel, tant en termes d’indemnisation que de prévention des risques climatiques ».
Ecologie.gouv.fr. Vendredi 26 mai 2023
Le gouvernement lance une mission sur l'assurabilité des risques climatiques
Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, et Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, ont annoncé vendredi le lancement d'une mission chargée d'élaborer un état des lieux et des recommandations sur l'évolution du régime d'assurance des catastrophes naturelles.
Sécheresse, grêle, ouragans… Face à la multiplication des événements climatiques, le gouvernement veut revoir le régime d'assurance des catastrophes naturelles, le fameux régime « Cat Nat ».
Bruno le Maire, ministre de l'Economie, et Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, ont annoncé vendredi le lancement d'une mission chargée d'élaborer un état des lieux et des recommandations sur l'évolution du système assurantiel français face aux enjeux posés par le dérèglement climatique.
« Les évènements climatiques extrêmes - tempêtes, inondations, cyclones, sécheresses - se multiplient et augmentent en intensité, a déclaré Bruno Le Maire. Ces évènements posent dès aujourd'hui la question de l'assurabilité de nombreux territoires, en Outre-mer comme en métropole ».
« La trajectoire d'adaptation de notre pays au changement climatique […] implique de déployer dès aujourd'hui les politiques publiques qui permettront de mieux prévenir les risques environnementaux », a ajouté Christophe Béchu.
Personnalités reconnues
Cette mission sera confiée à trois personnalités reconnues : Thierry Langreney, président de l'association environnementale Ateliers du futur, et ancien directeur général adjoint de Crédit agricole Assurances, Gonéri Le Cozannet, expert spécialisé sur les risques côtiers et le changement climatique au Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM), et Myriam Mérad, directrice de recherche au CNRS rattachée au laboratoire d'analyse et de modélisation de systèmes d'aide à la décision de l'Université Paris Dauphine.
Ces trois personnalités vont mener une large concertation des acteurs concernés : assureurs, réassureurs, organismes de recherche, élus et représentants de la société civile.
La mission formulera ses recommandations aux ministres d'ici décembre 2023. Celles-ci porteront sur trois axes : les moyens permettant d'assurer la soutenabilité du régime français, le renforcement du rôle du système assurantiel, la politique de souscription des assureurs face au changement climatique.
Un régime déficitaire
Avec son régime « Cat Nat », basé sur l'assurance privée et la réassurance publique de la Caisse Centrale de Réassurance (CCR), la France dispose déjà d'un mécanisme efficace. Mais le régime est déficitaire depuis 2015.
Par ailleurs, l'augmentation de l'intensité et de la fréquence des évènements climatiques se traduit par une hausse importante et durable des coûts d'indemnisation des pertes, qui pourraient représenter 70 milliards d'euros de coûts additionnels au cours des trois prochaines décennies, selon les deux ministres.
Proposition de loi
Face au risque de sécheresse, qui concerne 10,4 millions de maisons individuelles en métropole, le gouvernement a adopté cette année une ordonnance qui étend le nombre de communes bénéficiant de l'indemnisation de la sécheresse. Un décret doit encore être publié.
Mais, alors que ce texte se fait attendre, l'opposition veut aller plus loin. Les députés Verts ont déposé une proposition de loi pour élargir l'indemnisation des maisons fissurées, quitte à augmenter la surprime payée par les assurés.
Par Thibaut Madelin. 26 mai 2023. Les Echos
Réflexion sur un « monde pas assurable »
'On prête à un ancien patron d'Axa la maxime 'un monde à 4°C n'est pas assurable'. Qu'en penser à l'heure où le gouvernement se penche sur la question ?
Formellement, une assurance est un contrat par lequel une entité (l'assureur) garantit à un bénéficiaire (l'assuré) le paiement d'une certaine somme en cas de matérialisation d'un risque, à la condition que l'assuré lui ait payé une prime pour obtenir cette garantie.
Dans un monde réchauffé de 4°C, il est possible qu'il reste des assurances. Par contre il en restera moins, voire beaucoup beaucoup moins, qu'aujourd'hui. Pourquoi ?
Si l'on 'rétropédale', pour qu'un système d'assurance pérenne existe il faut que, 'en moyenne', les primes payées chaque année soient supérieures aux dommages assurés (sinon le système assurantiel finit par faire faillite). Il faut donc évaluer le montant des dommages possibles à l'avenir, et pour cela les assureurs utilisent actuellement des séries sur les dommages passés, avec une petite marge de sécurité 'pour imprévu'. Dans un monde stable l'avenir ressemble au passé, et cette méthode fonctionne bien.
Mais dans un monde qui se réchauffe rapidement, les conditions climatiques vont devenir de plus en plus volatiles et 'hors normes'. Cela signifie que, de plus en plus souvent, les séries passées ne permettront pas d'anticiper ce qui va vraiment se passer.
Dans ce contexte, l'assureur - et son réassureur, qui est 'l'assureur des assureurs' - va prendre de plus en plus de tôles, et aura alors le choix entre monter tellement ses prix (pour se couvrir contre des écarts bien plus importants que par le passé) qu'il risque de ne plus avoir de clients, ou alors ne plus traiter le risque et 'sortir du marché'.
C'est cette deuxième éventualité qui peut s'interpréter comme un monde 'pas assurable'. Evidemment, pendant un temps peut exister une troisième voie : la prise en charge du surplus de risque par l'Etat. C'est ce qui se passe en France avec le régime des catastrophes naturelles. Mais, à nouveau, si ces dernières deviennent fréquentes et massives, même l'Etat ne pourra voler au secours de tout le monde.
Ajoutons à cela qu'un monde à 4°C sera guerrier et totalitaire, et que ce contexte est rarement favorable à des assurances généralisées !
Il y a une deuxième manière d'interpréter ce 'pas assurable' : la remise en état physique en cas de dommages aura de moins en moins de sens. Aujourd'hui, avec l'argent de l'assurance on peut faire des travaux racheter un bien qui permettent de se retrouver dans une situation presque identique à avant le sinistre.
Mais avec des moyens énergétiques en décrue (empêchant de reconstruire ou refabriquer facilement), et des actifs naturels non remplaçables (une forêt qui brûle ou une espèce détruite), la remise dans l'état antérieur aura de moins en moins de sens.
C'est une autre manière de comprendre cette maxime : l'assurance permettra juste de mieux répartir la perte collective, non de supprimer cette dernière.'
Post LinkedIn de Jean-Marc Jancovici
Caroline Aubry
Maître de Conférences - Sciences de Gestion
Risques. Gestion des Risques. Fonction Risk Manager
Blog : https://gestiondesrisques.net/
Ouvrage récent (édition 2022) : « Risk Management. Organisation et Positionnement de la Fonction Risk Manager. Méthodes de Gestion des Risques. » https://librairie.gereso.com/livre-entreprise/risk-management-fris2.html
Université Paul Sabatier - Toulouse III
Laboratoire de Gestion et des Transitions Organisationnelles (LGTO)
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