De son côté, la défense dénonce «une opération de destruction dans laquelle l'autorité judiciaire se permet tous les coups».
Une juge dans la tourmente. Une magistrate à la cour d'appel d'Agen, dans le Lot-et-Garonne, a été déférée ce vendredi matin en vue de sa mise en examen pour 11 chefs d’accusation, dans le cadre d'une enquête portant notamment sur ses liens avec un membre présumé du banditisme corse.
Mercredi, le parquet de Nice avait confirmé son placement en garde à vue «dans le cadre d'une enquête préliminaire suivie par le parquet de Nice, ouverte des chefs de recours en bande organisée au service de personnes exerçant un travail dissimulé, blanchiment, trafic d'influence actif et passif», a selon Damien Martinelli, procureur de la République de Nice. «Elle est en garde à vue également pour faux en écriture publique par personne dépositaire de l'autorité publique et usage de ces faux ainsi que détournement de fonds publics», a-t-il ajouté.
De son côté, la défense s'interroge «sur un éventuel règlement de comptes au sein de la magistrature, notre cliente étant victime d'une opération de destruction dans laquelle l'autorité judiciaire se permet tous les coups». Ses avocats, Me Caty Richard et Me Yann Le Bras, critiquent des méthodes «aussi légalement injustifiées qu'inutilement violentes» ainsi que «des fuites» d'informations dans les médias, «mettant étrangement en exergue son lien avec l'actuel garde des Sceaux», Éric Dupond-Moretti. «Cette enquête semble initiée» par «un ancien supérieur hiérarchique» de la magistrate, avancent-ils, évoquant un possible «conflit d'intérêts».
Il s'agit d'Hélène Gerhards, magistrate à la cour d'appel d'Agen, ont confirmé à l'AFP des sources proches du dossier. Depuis le 20 janvier 2021, le parquet de Nice est chargé d'une «enquête susceptible de mettre en cause Hélène Gerhards», avait précisé dès janvier 2023 le parquet général d'Aix-en-Provence.
Cette enquête préliminaire est une incidente d'une information judiciaire de la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Marseille sur la bande criminelle corse du Petit Bar et a été confiée à l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF). Le domicile de la magistrate à Agen ainsi que sa villa à Pietrosella (Corse-du-Sud) avaient été perquisitionnés en décembre 2022, avait appris l'AFP de sources proches du dossier.
Cette magistrate a été «déchargée de la présidence de la cour d'assises du Lot-et-Garonne jusqu'à nouvel ordre, d'un commun accord avec le président de la cour d'appel», suite aux perquisitions de son domicile à Agen et de sa villa à Pietrosella en décembre 2022, selon d'autres sources proches du dossier. Une mesure toujours en cours, a précisé une source judiciaire.
L'enquête porte notamment sur les liens suspectés de cette magistrate, en poste en Corse entre 2010 et 2016, avec un membre présumé du banditisme insulaire, Johann Carta, autour de la construction, de la rénovation et de la location de la villa de la juge à Pietrosella, sur le Golfe d'Ajaccio, désormais vendue, avaient indiqué à l'AFP des sources judiciaires et proches du dossier.
Johann Carta, ancien président du Gazelec Ajaccio (GFCA), club de football placé en liquidation judiciaire en janvier 2023, a notamment été mis en examen et écroué fin novembre 2022 pour «extorsion», «escroquerie», «blanchiment en bande organisée» et «association de malfaiteurs» par un juge d'instruction de la JIRS de Marseille dans le cadre d'une enquête financière sur son club. Il a également été mis en examen en décembre 2023 dans une enquête ouverte pour «escroquerie, extorsion de fonds et blanchiment d'argent en bande organisée» par la même JIRS de Marseille.
Johann Carta est également au cœur d'une enquête préliminaire ouverte en septembre 2022 par le parquet d'Ajaccio pour «pressions ou menaces envers les membres d'une juridiction», après la découverte, dans son téléphone, de photos de la liste des jurés d'un procès d'assises pour assassinat, en mars 2021 à Ajaccio. Ce procès s'était soldé par un acquittement général.
Lorsqu'elle était juge d'instruction à Ajaccio, Hélène Gerhards avait reçu des menaces de mort à son domicile, en février 2016, ce qui avait conduit le parquet d'Ajaccio à la placer sous protection policière et à ouvrir une enquête. Elle avait ensuite été nommée vice-procureure à Toulouse en août 2016 puis à la cour d'appel d'Agen en août 2021. Avant cela, en 2010, cette magistrate, alors jeune juge d'instruction au tribunal d'Albertville (Savoie), était au cœur d'un documentaire sur l'instruction qu'elle menait autour de la pollution aux dioxines d'un incinérateur.
Par Le Figaro avec AFP
Publié le 05/04/2024
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