Par Sébastien Lacroix, Hugues Lavandier, et Marc Chiapolino
En tant qu’intermédiaires et fournisseurs de capitaux, les banques jouent un rôle crucial dans le développement économique, qui nécessite désormais une gestion adéquate des risques liés au changement climatique. Les banques françaises, pionnières, devront continuer à investir pour conserver leur leadership en la matière.
La température à la surface du globe croît à un rythme record, créant des risques majeurs pour les individus, les écosystèmes et les économies. Alors que les climatologues tablent sur un réchauffement supplémentaire au cours de la prochaine décennie, et probablement celle d’après, celui-ci a un impact direct et indirect sur l’industrie bancaire et confère à ses acteurs un rôle de premier plan pour mettre en marche la transition de l’économie réelle vers une économie mondiale plus durable. En touchant l’ensemble des secteurs, le changement climatique a, en outre, une incidence sur l’activité des banques à travers le portefeuille d’entreprises qu’elles financent. Également, la réglementation sur les émissions carbone et en matière de mise en conformité impose aux banques des reportings financiers et extra financiers de plus en plus exigeants et la mise en place de stress-tests pour mesurer leur résistance au risque climatique, physique et de transition. Face à ce changement, les banques peuvent agir sur plusieurs fronts, notamment en gérant leurs propres expositions financières au risque climatique, en aidant les entreprises de leur portefeuille à aligner leurs émissions sur une ambition de neutralité carbone ou encore en accompagnant le financement des transformations durables des entreprises.
La température à la surface de la Terre a augmenté à un rythme record au cours des dernières décennies. Ainsi, 2020 s’inscrit comme l’année la plus chaude jamais enregistrée en Europe, avec une température supérieure de 1,25 degrés Celsius à celle de la période préindustrielle .
Dans ce contexte, le secteur bancaire va devoir faire face aux risques engendrés par le réchauffement climatique et s’adapter à 4 changements majeurs.
La poursuite de la hausse des températures au cours des prochaines décennies semble extrêmement probable, du fait de l’inertie des phénomènes climatiques. D’ici 2050, elles devraient augmenter en moyenne à l’échelle mondiale de 1,5 à 5 degrés Celsius, représentant des risques majeurs, aussi bien pour les écosystèmes que l’économie.
Deux types de risques climatiques principaux sont généralement mis en avant : le risque climatique physique et le risque de transition.
Le risque climatique physique fait référence aux effets du changement climatique et de la dégradation de l’environnement. Il peut se matérialiser à travers des événements climatiques dits aigus, de type catastrophes naturelles, dont la fréquence et la sévérité pourraient augmenter (inondations, tempêtes, sécheresses, etc.), mais également à travers des changements qualifiés de chroniques, liés aux évolutions des modèles climatiques et à la hausse des températures à plus long terme (élévation du niveau de la mer, etc.).
Ces risques physiques pourraient avoir plusieurs conséquences socioéconomiques. Ils pourraient en effet avoir un impact sur l’habitabilité et l’aptitude au travail, du fait du réchauffement causé par les gaz à effet de serre, ou une incidence forte sur les biens matériels, les infrastructures et les habitats naturels (par exemple, plus de 200 milliards de dollars de biens immobiliers résidentiels sont situés à moins d’1,8 mètres au-dessus du niveau de la mer en Floride). Également, ils seraient susceptibles d’entraîner une baisse significative des rendements agricoles (d’au moins 15 %) ou encore le doublement potentiel des dommages causés par les inondations aux stocks de capital d’ici 2030. Au total, environ un tiers de la surface terrestre de la planète serait alors affecté.
Le second risque identifié est celui de la transition. Il désigne l’impact, sur un établissement, du processus d’adaptation à une économie sobre en carbone.
Il existe cinq catégories de risques de transition :
Les énergies fossiles, l’immobilier, l’automobile et les transports, la production d’électricité ou encore l’agriculture figurent parmi les secteurs qui devraient être les plus touchés. A titre d’exemple, dans le secteur des énergies fossiles, la demande pourrait diminuer de 35 % au cours de la prochaine décennie, mettant à mal le modèle économique d’un certain nombre d’acteurs4 .
L’augmentation de ces risques associés à la transition vers une économie à faible intensité carbone aura également une incidence financière et non financière sur le secteur bancaire. L’arrivée de technologies perturbatrices ou la mise en place de nouvelles mesures réglementaires venant pénaliser les énergies fossiles pourraient affecter les modèles économiques des emprunteurs et conduire à la dépréciation des actifs carbonés. A l’inverse, une incertitude sur le cadre réglementaire pourrait entraîner un report des décisions d’investissement. A mesure que les clients et la société deviennent plus soucieux du climat, les banques ayant affiché des ambitions en lien avec la transition environnementale pourraient connaître des risques réputationnels majeurs en cas d’engagements non tenus ou d’une mauvaise communication afférente.
Enfin, les banques pourraient également être exposées à un risque juridique, dans le cas où elles n’auraient pas respecté leur obligation d’identifier correctement les actifs dits "green" et "brown", ou dans le cas où elles n’auraient pas suffisamment contribué à l’effort de transition énergétique de leur portefeuille.
Une pression réglementaire croissante est exercée sur les banques pour qu’elles se protègent des effets du changement climatique, participent à l’effort mondial de transition vers une économie moins carbonée et standardisent leur reporting climatique. Les régulateurs bancaires, et notamment le régulateur européen, mettent l’accent sur deux principaux exercices : un exercice de transparence et de reporting et un exercice de stress-test climatique.
En matière de transparence et de reporting, la Banque Centrale Européenne (BCE) a publié, en novembre 2020, un guide sur les risques liés au climat et les résultats d’une évaluation comparative du niveau des publications et des pratiques de communication des institutions financières européennes. Mettant en lumière les meilleurs pratiques internationales bancaires en termes de gestion du risque climatique, ces rapports pointent également le retard des banques en matière de communication des risques liés au climat et à l’environnement. En effet, bien qu’il y ait eu une certaine amélioration, les banques ont encore des efforts à mener pour étayer leurs déclarations avec des informations quantitatives et qualitatives. Ainsi, selon ce rapport, seulement 3 % des banques communiquent des informations climatiques qui correspondent pleinement aux recommandations de la BCE.
En matière de stress-test climatique, la BCE a mené en 2021 un exercice incluant environ quatre millions d’entreprises dans le monde, dont 2 000 banques, soit la quasi-totalité des institutions financières monétaires de la zone euro. Ce stress-test a pour objet de modéliser la manière dont les banques pourraient répondre au risque climatique en déplaçant leurs expositions loin des entreprises les plus risquées, ainsi que l’impact de cette réponse sur l’économie au sens large et sur les assureurs et les sociétés de financement non bancaires. Les premiers résultats de ce test de résistance économique montrent que le changement climatique représente une source majeure de risque systémique, en particulier pour les banques dont les portefeuilles sont concentrés dans certains secteurs économiques et/ou dans des zones géographiques spécifiques. Ils sont néanmoins plutôt encourageants pour les institutions françaises, dont l’exposition aux sept secteurs.
Les plus impactés par le risque de transition est considéré comme plutôt modérée. Ces secteurs représentent en effet environ 9,7 % du portefeuille de crédit de ces dernières.
Au-delà de ce premier exercice de stress climatique mené de manière centralisée, la BCE requiert désormais des banques qu’elles présentent au premier semestre 2022 les résultats de stress-tests individualisés, évaluant leur capacité à résister aux risques du changement climatique. Ils seront pilotés par l’Autorité Bancaire Européenne (EBA).
A l’échelle française, l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) a lancé, de juillet 2020 à avril 2021 son propre pilote, mobilisant 9 groupes bancaires représentant 85 % du total des bilans bancaires français.
Celui-ci illustre le rôle moteur joué par les autorités et la place financière de Paris ainsi que les progrès accomplis dans la lutte contre le dérèglement climatique depuis l’adoption de la Loi sur la transition énergétique et la croissance verte et la signature de l’Accord de Paris en 2015.
Ce stress-test a mis en lumière de nouveaux risques, comme le décalage potentiel entre les stratégies de sortie de certaines activités émettrices de gaz à effet de serre et l’objectif de maintien des parts de marché des acteurs, ou encore entre la volonté de financer l’économie et celle de préserver la relation client. Cet exercice pilote, qui nécessite néanmoins des ajustements méthodologiques, révèle une exposition globalement "modérée" des banques françaises aux risques liés au changement climatique.
Au-delà de l’accélération de la régulation, les gouvernements apportent un soutien accru au financement de la transition écologique. Et notamment, pour limiter les conséquences économiques de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, les Etats européens et l’Union Européenne ont annoncé des plans de relance massifs de l’économie comprenant un volet climatique majeur. Ainsi, alors que les plans de relance européens représentent +1 250 milliards d’euros, on peut noter que dans ~70 % des pays européens, les mesures du plan de relance portent sur la transition verte, la transition numérique, la santé publique, l’éducation et la R&D. La France a pour sa part annoncé un plan de relance de 100 milliards d’euros, dont 30 seront alloués à la transition écologique.
Les instruments financiers durables atteignent des niveaux record à l’échelle mondiale (figure 1). De plus en plus, les investisseurs intègrent les impacts climatiques dans leur appréciation du risque et dans la gestion active de leur portefeuille. Dans un contexte d’informations disponibles limitées, ils sont particulièrement sensibles aux notations "ESG" : ils prennent ainsi en compte ces facteurs environnementaux, de durabilité et de gouvernance dans leurs décisions d’investissement et orientent leurs fonds vers des entreprises "vertes".
En 2017, 74 % des investisseurs institutionnels indiquaient agir sur le changement climatique et le percevoir comme l’une des principales tendances de long terme pour leurs investissements, un chiffre en augmentation de 8 % par rapport à 2016.
En France, ce sont 83 % des investisseurs institutionnels qui déclaraient agir sur le changement climatique.
Même si l’impact financier (par exemple sur le coût du capital) ne peut pas encore être démontré et si les méthodologies de notation existantes peuvent être discutées, nous observons chez les entreprises les mieux notées sur le plan climatique et ESG une compétitivité et des dividendes plus élevés ainsi qu’une réduction du risque extrême (les entreprises bien notées sont moins susceptibles de connaître des incidents majeurs) et du risque systématique (leurs bénéfices sont moins volatils).
Sur ce point, les banques françaises ne font pas partie des banques européennes les mieux notées. Ainsi, en comparaison avec les banques européennes les mieux notées, qui obtiennent de la part du CDP (Carbon Disclosure Project), 2 ratings A, 2 ratings A- et 1 rating B, les 6 principaux Groupes bancaires français obtiennent 4 ratings A-, 1 rating B et 1 rating F (une notation néanmoins légèrement supérieure à celle des 6 principaux groupes britanniques, qui comptabilisent 1 rating A, 2 ratings A-, 1 rating B et 1 rating C).
Dans le même temps, depuis quelques années, les investisseurs tendent à intensifier leur pression sur les équipes dirigeantes des banques. Les exemples se multiplient. Nous pouvons ainsi citer le cas de grands actionnaires qui ont déposé des motions exhortant des banques à réduire leurs prêts auprès des acteurs des énergies fossiles, qui ont annoncé vouloir voter contre les dirigeants ne respectant pas leurs objectifs climatiques, ou encore qui ont exigé de banques qu’elles retirent progressivement de leur portefeuille les entreprises non alignées sur l’Accord de Paris.
Nous observons ainsi une hausse des réallocations de ressources par les banques vers les actifs durables à un rythme de 15 % par an depuis 2012, une tendance qui devrait être amenée à s’accélérer.
Confrontées à ces changements majeurs, les banques françaises ont pris relativement tôt la mesure des risques climatiques et de leur capacité à jouer un rôle déterminant en la matière. Tout d’abord en investissant dans les nouveaux produits verts, comme les green loans ou encore les green bonds. En 2020, avec plus de 100 milliards d’euros de financement de green bonds, la France se plaçait en tête des pays européens (figure 2) et en seconde position au niveau mondial derrière les Etats-Unis (200 milliards d’euros).
Les grandes banques de financement et d’investissement françaises sont parmi les plus innovantes en termes de financements liés à la transition climatique.
Elles ont joué un rôle moteur dans la course à la décarbonation en s’engageant parmi les premières banques au monde sur une ambition forte de neutralité carbone. Ainsi, toutes les grandes banques françaises contribuent au CDP, initiative de référence qui promeut et gère le reporting des principaux risques environnementaux, et soutiennent la Task Force on Climate-Related Financial Disclosures (TCFD) en s’engageant à mettre en œuvre ses recommandations. Par ailleurs, quatre banques françaises ont rejoint l’initiative Science Based Targets aux côtés du CDP, du World Resources Institute (WRI), du WWF et de l’United Nations Global Compact (UNGC), et deux ont rejoint un groupe de travail de 16 banques internationales piloté par UNEP FI en vue de faire des préconisations pour adapter les recommandations de la TCFD aux banques.
Néanmoins, la situation des banques françaises demeure hétérogène, alors même que les banques internationales comblent leur retard. Ainsi, sur les 43 banques qui ont rejoint la Net-zero Banking Alliance en avril 2021, seulement 3 sont françaises et représentent moins de 45 % des dépôts sur le marché domestique.
Ces dernières peinent également à être perçues comme des leaders dans la gestion du risque climatique auprès des organismes de notation indépendants.
Sur les 277 entreprises ayant obtenu la note maximale de la part du CDP – le rating A – sur leur gestion du risque climatique en 2020, 11 sont des banques mais aucune d’entre elles n’est française.
Afin d’atténuer l’impact du réchauffement de la planète ainsi que conserver leur compétitivité et leur leadership dans un environnement en constante évolution, les banques françaises peuvent agir sur six priorités.
1. Définir une stratégie et des ambitions claires
La première étape pour les banques désirant atteindre une neutralité carbone à horizon 2050 est de définir en amont leur stratégie, leur raison d’être et leurs ambitions en matière de climat. Cela passe par la formulation de la stratégie climatique de l’entreprise en termes de risques ainsi que de secteurs et zones géographiques prioritaires, mais également par la définition d’objectifs intermédiaires pour atteindre cette ambition globale.
Cette stratégie et cette ambition peuvent se définir selon trois niveaux d’engagement :
2. Mesurer et gérer l’exposition au risque climatique
Au fur et à mesure que les risques physiques et de transition se matérialiseront, certaines entreprises deviendront de plus en plus vulnérables, ce qui pourrait compromettre leur solvabilité.
Ces risques peuvent se manifester par des effets tels que des pertes de biens immobiliers côtiers, des pertes de clientèle, des changements de modèles économiques et l’adaptation forcée des sites de production ou leur fermeture.
Ces effets, à leur tour, peuvent avoir un impact négatif direct et indirect sur les banques, y compris via une augmentation de la PD et des actifs en défaut, des LGD et des valeurs résiduelles incertaines, via la perte potentielle de réputation si les banques, par exemple, ne sont pas perçues comme soutenant efficacement leurs clients. Notre analyse des portefeuilles de 46 banques européennes a montré qu’environ 15 % présentent un risque accru lié au changement.
Cela concerne principalement les secteurs présentant des risques de transition élevés (comme l’électricité, le gaz, l’exploitation minière, l’eau et l’assainissement, le transport ou encore la construction).
En cherchant à devenir des gestionnaires efficaces du risque climatique, les banques doivent quantifier les facteurs climatiques, leurs impacts sur les mesures de risques (PD, LGD) et mettre en place les outils et les processus nécessaires pour s’en prémunir efficacement.
Dans le même temps, elles doivent s’assurer que leurs opérations sont alignées avec les demandes des parties prenantes externes.
Cela passe par :
3. Aligner les émissions du portefeuille sur une ambition de neutralité carbone
La mise en œuvre des technologies d’atténuation et d’adaptation nécessite des niveaux de financement importants. Ces améliorations permettront par exemple de réduire les émissions carbone des bâtiments, de capturer et de stocker le carbone atmosphérique, ou d’accélérer la transition vers l’abandon des énergies fossiles. Certaines banques ont déjà agi en redéfinissant leurs objectifs pour aligner leurs portefeuilles de prêts sur les objectifs de l’Accord de Paris.
Bien que des standards méthodologiques émergent (SBTI, PCAF, PACTA, etc.), mesurer et réduire les émissions de son portefeuille est un exercice technique et complexe, suscitant de nombreuses interrogations. Les trajectoires seront-elles fixées au niveau du portefeuille, du secteur ou du produit ? À quel niveau de granularité ? Quelle partie de la chaîne de valeur du secteur doit être prise en compte ? Quel type de mesure privilégier ? Comment les émissions des contreparties seront-elles attribuées au portefeuille ? Quelles sources de données, internes et externes, utiliser ? Comment bâtir des projections sur les émissions futures ? Quel indicateur de référence mettre en place ? Etc.
Nous avons identifié 5 étapes clés (figure 4) pour les banques qui souhaitent s’engager dans une trajectoire d’émissions nettes nulles de leurs portefeuilles d’ici 2050, à l’instar des 43 banques formant l’alliance bancaire Net Zéro (NZBA).
4. Identifier des opportunités de financement de programmes durables
Les énergies fossiles, la production d’électricité, l’immobilier, l’automobile et l’agriculture présentent d’importantes opportunités d’investissements verts. En effet, plus de 28 000 milliards d’euros devraient être investis en Europe d’ici 2050 pour atteindre une neutralité carbone (figure 5), principalement dans les secteurs des transports (~12 000 milliards d’euros), de la construction (~8 000 milliards d’euros), des infrastructures (~4 000 milliards d’euros) et de l’énergie.
Ainsi, alors que certains de leurs clients se retirent des énergies fossiles, les banques ont un rôle à jouer en les aidant à réduire leur niveau de risque dans les contrats d’approvisionnement ou en créant des solutions de financement structurées pour les contrats d’achat d’électricité.
Dans le domaine des énergies renouvelables, d’importants investissements sont nécessaires pour le stockage, la mobilité et le recyclage de l’énergie. Le secteur des transports a des besoins importants en matière d’investissements dans les infrastructures de recharge et de financement permettant aux flottes et aux constructeurs d’électrifier leur portefeuille de véhicules. Dans la construction, un appui sera nécessaire pour une transition vers des logements plus efficaces sur le plan énergétique et un équipement permettant la production d’énergie renouvelable (par exemple, l’énergie solaire photovoltaïque en toiture). Enfin, l’agriculture offre des opportunités d’accompagnement de la transition de l’utilisation des terres, etc.
À l’échelle mondiale, les émissions d’obligations vertes ont plus que triplé au cours des trois dernières années pour atteindre 400 milliards d’euros, mais elles ne représentent encore que 0,75 % de l’encours total de la dette des entreprises, dont la moitié pour les entreprises financières. En 2020, l’Europe a ouvert la voie, représentant environ 80 % du total des émissions mondiales d’obligations vertes.
5. Renforcer la gouvernance et l’accompagnement du changement climatique
Les banques doivent s’attacher à concevoir des processus de gouvernance adaptés à leur profil de risque et à leurs objectifs ainsi qu’à développer les compétences spécifiques qui en résultent.
La nomination d’un responsable du risque climatique positionnera de facto le sujet comme une priorité stratégique de l’organisation. Son rôle sera clé pour permettre à la banque d’intégrer l’évaluation des risques climatiques dans tous les processus de gestion des risques, à savoir l’identification et la quantification des risques, l’appétit au risque de la banque et sa stratégie associée, le processus d’octroi des prêts ou encore le monitoring du risque climatique dans les portefeuilles.
Sur ce sujet, les directeurs des risques (CRO) sont souvent les profils privilégiés. Ce responsable du risque climatique aura également pour mission de s’assurer que le conseil d’administration et les membres de la direction disposent d’une pleine connaissance des risques climatiques et de leurs enjeux, par exemple en organisant des présentations régulières sur les progrès, les problèmes et les tendances climatiques, en mettant en place un comité consultatif sur l’environnement composé de représentants de toutes les unités commerciales afin de tenir la direction et le conseil d’administration informés des questions climatiques, et enfin en encourageant le conseil d’administration et les équipes de gestion des risques à collaborer avec des experts externes.
Au-delà de la mise en place d’organes de gouvernance climatique et ESG, il devient de plus en plus urgent de développer les capacités internes en matière de gestion des risques climatiques. Cela passe par des formations à l’identification des risques climatiques adaptées à chaque rôle, par la montée en compétences des principaux groupes de risque sur la façon d’intégrer les enjeux climatiques dans les cadres et processus existants, par la participation à des forums aux côtés de banques homologues afin de s’aligner sur les paramètres de mesure du risque climatique et les méthodes d’analyse de scénarios standard du secteur, ou encore par la mise à disposition de tous les employés de ressources sur les risques climatiques et les secteurs vulnérables.
6. Concevoir une stratégie de communication transparente et efficace
Nous identifions plusieurs enjeux dans la conception d’une stratégie de communication, visant à la fois la conformité aux exigences réglementaires et la formulation de la prise en compte du risque climatique dans les reportings internes et externes.
En tant qu’intermédiaires et fournisseurs de capitaux, les banques jouent un rôle crucial dans le développement économique, qui nécessite désormais une gestion adéquate des risques physiques et de transition liés au changement climatique. Pour cela, les banques doivent rapidement prendre la mesure de leurs expositions financières au risque climatique et définir leur stratégie en la matière, en alignant les émissions de leur portefeuille sur une ambition de neutralité carbone et en identifiant les opportunités de financement des programmes verts des entreprises. A mesure que les températures augmentent, leur action sera déterminante pour mener à bien la transition vers une économie mondiale durable.
Les banques françaises ont joué un rôle de locomotive dans ce domaine, et devront continuer à investir pour conserver cette place dans un contexte d’accélération de l’ensemble des acteurs, avec une concurrence exacerbée entre tous pour capturer ces nouvelles opportunités.
Sébastien Lacroix, directeur associé senior basé à Paris, Hugues Lavandier, directeur associé senior basé à Paris, Marc Chiapolino, directeur associé basé à Paris sont co-auteurs de cette étude, avec l'appui de Anne-Fleur Plassais, chef de projet basée à Paris, Mark Azoulay, directeur de projets basé à Londres, Thierry Ethevenin, expert basé à Paris, Adam Bellarabi, consultant basé à Paris et Vincent Pepin, consultant basé à Paris.
Les auteurs tiennent à remercier Divij Anand, Marion Obadia et Céline Joly pour leur contribution.
+ de 28 000 milliards d’euros devraient être investis en Europe d’ici 2050 pour atteindre une neutralité carbone
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