La Cour des comptes a publié à la fin du mois de septembre 2023 un rapport sur l’économie du secteur des jeux d’argent et de hasard, encadré par l’Etat pour préserver l’ordre et la santé publics. Ce secteur s’adapte à l’évolution de la société et a fortement développé des offres en ligne.
Depuis 1836, les jeux dits d’argent et de hasard sont interdits par principe ; des dérogations existent et sont accordées sous condition de préservation de l’ordre public. Le régime existant vise d’une part à assurer la protection des joueurs (addiction) et, d’autre part, à prévenir les activités frauduleuses ou criminelles (blanchiment de capitaux). Les jeux d’argent et de hasard se répartissent en quatre catégories : les loteries, les paris sportifs, les paris hippiques ainsi que les jeux de casinos. Le secteur des jeux d’argent et de hasard est dynamique puisque près de 43 milliards d’euros de mises ont été enregistrés en 2021. Près de la moitié des Français majeurs jouent (dont 93 % aux loteries) et près d’un quart d’entre eux parient.
La Cour des comptes a publié le 21 septembre 2023 un rapport qui se propose d’analyser l’économie de ce secteur et de tirer un bilan des réformes menées depuis 2019.
Le régime juridique d’autorisation, par exception, des jeux d’argent et de hasard est associé à la soumission des opérateurs du secteur à un droit et une fiscalité d’exception.
La régulation du secteur est assurée depuis l’ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 par l’Autorité nationale des jeux (ANJ) en lieu et place de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel). Le champ de compétences de l’ANJ couvre désormais l’ensemble des opérateurs de jeux, sous réserve des prérogatives de police administrative conservées par le ministère de l’intérieur pour les casinos et les clubs de jeux parisiens.
Le secteur des jeux a connu une première évolution juridique à travers la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne. Désormais, le droit français distingue deux types d’offres de jeux, l’une en réseau physique dite « en dur » et l’autre proposée en ligne. La Française des jeux (FDJ) et le Pari mutuel urbain (PMU) exploitent des droits exclusifs au sein d’un réseau physique sur les loteries et paris sportifs et hippiques, tandis que 17 opérateurs agréés exploitent « en ligne » et en concurrence des paris hippiques, des paris sportifs et du poker.
L’activité « en dur » reste prédominante et représente 83 % du produit brut des jeux (PBJ). Cependant, depuis l’autorisation des jeux en ligne en 2010, les mises ont augmenté de 42 % et ont atteint 43,2 milliards d’euros en 2021. Le PBJ réalisé par les opérateurs (total des mises moins le total des sommes reversées aux joueurs gagnants, avant impôts) était de 10,7 milliards en 2021 et 12,9 milliards en 2022.
Selon les données de l’ANJ, le nombre de comptes de joueurs actifs en ligne a quadruplé entre 2015 et 2022 pour s’établir à 5,2 millions. Les mises ont augmenté de 32 % durant cette période contre 9 % pour les paris sportifs en dur.
L’engouement s’explique par plusieurs facteurs :
Les innovations des jeux en ligne posent des questions sur leur encadrement réglementaire et sur leur contrôle. Elles soulèvent également des enjeux fiscaux. En effet, les jetons non fongibles ou NFT (« non fungible token »), qui échappent pour l’heure au régime réglementaire des jeux, peuvent être considérés comme un jeu d’argent et de hasard et donc être soumis à agrément. La Cour des comptes recommande de fixer le régime juridique des jeux d’argent et de hasard en intégrant les NFT.
La FDJ domine le secteur des jeux d’argent et de hasard et réalise à elle seule un peu plus de la moitié du PBJ global. La privatisation de la FDJ a été réalisée en 2019 par la loi Pacte ; elle est par conséquent devenue une société cotée. La FDJ conserve ses droits exclusifs sur toutes les loteries et paris sportifs en dur pour 25 ans, éventuellement renouvelables, moyennant une soulte de 380 millions d’euros versée à l’Etat en 2020 (somme d'argent que, dans un partage ou un échange, l'une des parties doit aux autres pour rétablir l'égalité des lots ou des biens échangés).
La FDJ s’appuie sur 30 000 points de vente répartis dans 11 000 communes. Sa stratégie consiste en une diversification de ses activités de jeu en dur et de son développement à l’international. Son modèle vise également à proposer de petites mises pour toucher un large éventail de joueurs.
Le PMU est quant à lui un groupement d’intérêt économique (GIE) constitué par les sociétés de courses de galop et de trot. Il a réalisé 17 % du PBJ en dur en 2022. Le PMU bénéficie, sans limite de temps, de droits exclusifs pour les paris hippiques mutuels en dur dont les bénéfices financent la filière des courses hippiques et les éleveurs de chevaux.
Le PMU développe son offre auprès de 235 hippodromes et 13 000 points de vente. Son objectif est actuellement de renouveler sa clientèle et d’attirer de nouvelles générations de parieurs.
Il existe en France 202 casinos « en dur » qui sont soit indépendants, soit détenus par l’un des grands groupes casinotiers. L’exploitation d’un casino s’inscrit dans le cadre d’une concession de service public conclue avec la commune. L’ensemble des casinos et clubs de jeux représente 20 % du PBJ du secteur. Leur activité est concurrencée par les casinos en ligne qui sont cependant illégaux en France.
17 opérateurs en ligne agréés existent également et sont en concurrence sur le secteur des paris sportifs et hippiques et du poker en ligne. Le PBJ de ces acteurs représente 20 % du PBJ global.
La concurrence est forte entre les opérateurs, même si la Cour des comptes constate que les segments de jeux sont dominés par un voire deux acteurs principaux. Environ 75 % des parts de marché des paris sportifs (dont la part de marché a plus que triplé depuis 2011) sont détenues par les trois leaders du secteur (Winamax, Betclic et Unibet).
En plus d’être assujettis aux impôts de droit commun (impôt sur les sociétés, taxes locales), les jeux d’argent et de hasard sont soumis à des prélèvements spécifiques. Les gains des joueurs sont, eux, exonérés d’impôt.
Le produit de ces impôts spécifiques était de 5,8 milliards d’euros en 2021. Cette fiscalité spécifique sur les jeux d’argent et de hasard regroupe plus d’une trentaine d’impôts, dont la gestion est complexe selon la Cour des comptes, qui recommande d’en améliorer la connaissance afin de garantir une meilleure adéquation avec le dynamisme du secteur et de son adaptation aux nouvelles formes de jeux.
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