Dans cette affaire, la marque d'une entreprise avait été utilisée par un concurrent à titre de mot-clé identique sur le service Google Ads, la plateforme publicitaire de Google. L'entreprise victime (titulaire de la marque) a assigné Google Brasil Internet sur le fondement du délit de concurrence déloyale en vertu de l'article 195, III, de la loi brésilienne sur la propriété intellectuelle.
En défense, Google a fait valoir que sa responsabilité ne pouvait être engagée, dans la mesure où il n'était qu'un prestataire de service, conformément à la loi brésilienne n° 12.965 du 23 avril 2014, connue sous le nom de Cadre civil de l'internet. Précisons que cette limitation de responsabilité repose sur l'impossibilité technique pour les fournisseurs de prévenir les comportements préjudiciables de leurs utilisateurs, sauf à entrainer une surveillance de masse.
La Haute Cour a estimé que la limitation de la responsabilité du moteur de recherche, prévue à l'article 19 du cadre brésilien des droits civils pour l'internet, ne s'appliquait pas à la commercialisation des liens sponsorisés. Selon la juge Nancy Andrighi du STJ, Google a un contrôle actif sur les mots clés qu'elle commercialise, de sorte qu'il est techniquement possible d'éviter les atteintes à la propriété intellectuelle. Elle précise également qu’il incombe au moteur de recherche de développer les mécanismes et méthodes permettant de limiter le « potentiel nocif » des services qu’elle propose et qu’il lui revient de supporter les conséquences de ses omissions.
Cette décision est donc particulièrement intéressante car, tout en rappelant le principe de la responsabilité limitée du moteur de recherche, elle considère que dans la façon dont Google commercialise auprès des annonceurs les mots clés permettant de déclencher des annonces payantes, il devrait s’assurer de l’impossibilité par des tiers d’utiliser son service pour porter atteinte aux droits de tiers.
De manière constante depuis plusieurs années, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) considère que :
La CJUE considère également que le prestataire de services de référencement doit être considéré comme un hébergeur bénéficiant d'une exonération de responsabilité pour les contenus qu'il stocke (mots-clés, liens, annonces) lorsque son activité revêt un caractère « purement technique, automatique et passif ».
Cette position est reprise par les juridictions françaises.
Contrairement aux positions classiquement adoptées par la CJUE et la jurisprudence française, qui considèrent Google comme un hébergeur jouant un rôle purement passif dans la commercialisation des liens sponsorisés, la décision brésilienne considère que cette activité ne revêt plus un caractère « purement technique, automatique et passif ».
Cette divergence entre les décisions brésilienne et européenne soulève la question de savoir si la position européenne pourrait évoluer de manière similaire à celle de la Haute Cour de justice brésilienne, notamment avec l'arrivée du Digital Services Act (DSA) et du Digital Markets Act (DMA). En effet, ces deux textes introduisent des obligations accrues pour les grandes plateformes en ligne, en particulier celles qui exercent une influence significative sur le marché numérique.
A l'avenir, ces nouvelles régulations pourraient-elles entrainer la requalification de Google, le faisant, dans certaines circonstances spécifiques, passer du statut de simple hébergeur à celui d’éditeur, jouant un rôle actif sur les mots clés qu’elle commercialise et les annonces qu'elle diffuse ?
Le cas échéant, Google n’aurait plus un rôle purement passif et devrait assumer une responsabilité dans la gestion et la diffusion des contenus publicitaires, ce qui l'exposerait à des sanctions en cas de manquements. Cette évolution pourrait inciter Google à prendre des mesures proactives pour éviter les atteintes et à adopter une gestion plus stricte des contenus publicitaires diffusés via sa plateforme.
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