Lafarge en Syrie : Décision de la Cour de cassation

Christophe BARDY - GRACES community
31/1/2024
Propulsé par Virginie
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Paris/Berlin, 16 janvier 2024 – Aujourd’hui, la Cour de cassation a validé la mise en examen de Lafarge pour complicité de crimes contre l’humanité. Elle a toutefois annulé celle pour mise en danger de la vie d’autrui. Sherpa et ECCHR saluent la reconnaissance de la compétence des juridictions françaises pour juger des crimes internationaux commis à l’étranger par des acteurs économiques. Nos associations regrettent toutefois la restriction de l’accès à la justice des salariés syriens dont la vie a été mise en danger par Lafarge.   


Entre 2012 et 2014, Lafarge aurait versé jusqu’à 13 millions d’euros à plusieurs groupes armés en Syrie, dont l’État islamique, pour continuer à exploiter sa cimenterie syrienne alors que le pays s’enfonçait dans la guerre civile. Malgré les risques sécuritaires importants, y compris de nombreux enlèvements d’employés, Lafarge a laissé ses salariés syriens sur place et poursuivi son activité. 


Après des révélations dans la presse, Sherpa, ECCHR et 11 employés syriens déposent une plainte en 2016, conduisant à l’ouverture d’une information judiciaire et à la mise en examen de Lafarge en 2018. La décision d’aujourd’hui fait suite au pourvoi de Lafarge contre l’arrêt du 18 mai 2022 de la chambre de l’instruction de la cour d’appel qui avait maintenu les mises en examen contre Lafarge pour complicité de crimes contre l’humanité et mise en danger de la vie d’autrui.  


« Lafarge a mis ma vie et celle de mes collègues en danger, au nom de ses profits. Les entreprises ne devraient pas pouvoir utiliser leur pouvoir pour se dégager de toute responsabilité. Nous continuerons à exiger la justice que nous méritons », a déclaré Mohammad, ancien employé de Lafarge en Syrie et plaignant.  


Une mise en examen historique à nouveau confirmée  

La Cour de cassation a rejeté les arguments de Lafarge concernant l’incompétence des juridictions françaises et a maintenu la mise en examen pour complicité de crimes contre l’humanité. Lafarge est ainsi la première société au monde, en tant que personne morale, à être mise en examen sur ce fondement.  


« En confirmant pour la deuxième fois que Lafarge peut être mise en examen pour complicité de crimes contre l’humanité commis en Syrie, la Cour de cassation envoie un signal fondamental : les personnes affectées par des crimes internationaux peuvent demander des comptes en France à tous les acteurs impliqués dans ces crimes, y compris les entreprises », conclut Cannelle Lavite, co-directrice du programme Entreprises et droits humains à ECCHR. 


Un obstacle de plus pour l’accès à la justice des plaignants syriens 

Alors que l’enquête judiciaire a révélé que les travailleurs syriens ont été exposés à des menaces, des risques de blessures, d’enlèvements et de décès, la Cour de cassation a annulé la mise en examen de Lafarge pour mise en danger de la vie d’autrui jugeant que les protections en matière de sécurité prévues par le droit du travail français ne s’appliquaient pas aux salariés syriens.  

La Cour a estimé que la forte implication de Lafarge dans la gestion de sa filiale syrienne ne justifie pas l’application du droit du travail français aux travailleurs syriens. Elle a pourtant reconnu en 2021 que les salariés de l’usine étaient sous l’autorité effective de la société mère, et qu’il y avait une immixtion permanente de cette dernière dans la gestion de sa filiale, y compris en matière de sécurité, qui se trouvait privée d’autonomie. 


Par ailleurs, la chambre criminelle a considéré que les protections offertes par le droit du travail français ne constituent pas des lois de police dont l’application s’imposerait aux travailleurs syriens. 

Une décision consternante pour nos associations et les salariés syriens qui se battent depuis plus de 7 ans pour obtenir justice. En interprétant de façon restrictive les règles de conflit de loi, cet arrêt constitue une entrave à l’accès à la justice pour les travailleurs et travailleuses de multinationales.  


« Cette décision illustre une fois de plus à quel point il est difficile pour les travailleurs de multinationales d’accéder à la justice. Il existe un paradoxe flagrant : alors que les sociétés mères tirent profit de l’activité de leurs filiales, elles peuvent échapper à leur responsabilité en cas de violations commises à l’étranger », conclut Anna Kiefer, chargée de contentieux et plaidoyer à Sherpa.   

Le cimentier français reste toutefois mis en examen pour complicité de crimes contre l’humanité, financement d’entreprise terroriste et violation d’un embargo avec la Syrie. Dix personnes, dont plusieurs anciens cadres du groupe, sont également mis en examen.  

Nos associations regrettent que plus de 7 ans se soient écoulées entre cette décision et la plainte. La lenteur des procédures concernant les mises en examen soulève des questions sur l’efficacité de la justice à ce stade de la procédure, qui est celle de l’investigation et non du jugement. 

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