Ce mercredi 16 octobre, les juges d’instruction ont renvoyé devant le tribunal correctionnel Lafarge SA ainsi que quatre anciens dirigeants afin qu’ils y soient jugés pour financement d’une entreprise terroriste et violation d’un embargo. Nos associations saluent cette nouvelle étape après huit ans de procédure. La perspective de ce procès ne doit pas occulter l’autre volet fondamental de l’instruction : la société reste mise en examen pour complicité de crimes contre l’humanité commis par des groupes armés.
À la suite de révélations dans la presse, Sherpa, le Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits humains (ECCHR) et onze anciens employés syriens de Lafarge ont déposé plainte en novembre 2016 contre Lafarge, sa filiale syrienne et ses dirigeants. Le géant français du ciment est accusé d’avoir contribué à la commission de crimes contre l’humanité en finançant plusieurs groupes armés en Syrie, dont l’État islamique, pour continuer à exploiter sa cimenterie malgré le conflit et les graves risques pour ses employé·e·s. Après l’ouverture d’une information judiciaire en 2017, la société Lafarge et ses dirigeants ont été mis en examen.
Les juges d’instruction ont aujourd’hui partiellement suivi les réquisitions du procureur de la République : la société Lafarge ainsi que quatre anciens dirigeants de la maison-mère et de sa filiale syrienne sont renvoyés devant le tribunal correctionnel pour financement d’une entreprise terroriste et violation d’un embargo européen interdisant toute relation financière ou commerciale avec les organisations al-Nosra et Etat islamique.
Deux anciens employés en charge de la sécurité en Syrie et deux intermédiaires syriens, dont l’homme d’affaire Firas Tlass, sont également renvoyés pour financement d’une entreprise terroriste. L’ancien directeur sureté du groupe a en revanche bénéficié d’un non-lieu.
Les salariés syriens ne pourront toutefois pas obtenir réparation lors de ce procès qui ne portera que sur des infractions liées au terrorisme pour lesquelles ils ont été jugés irrecevables.
La décision d’aujourd’hui clôt le volet de l’information judiciaire portant sur le financement de terrorisme, mais il est essentiel que l’instruction se poursuive sur les autres infractions.
Lafarge est la première société au monde à avoir été mise en examen pour complicité de crimes contre l’humanité. Comme l’a rappelé la Cour de cassation dans cette affaire, c’est la multiplication d’actes de complicité qui permet le crime contre l’humanité, le « plus grave des crimes ». Ces actes de complicité ne sauraient donc rester impunis.
Alors que l’enquête judiciaire a révélé que les travailleurs syriens ont été exposés à des menaces, des risques de blessures, d’enlèvements et de décès, la justice française a écarté en janvier dernier un volet important du dossier en annulant la mise en examen de Lafarge pour mise en danger de la vie d’autrui.
Nos associations, aux côtés des plaignants, continueront d’œuvrer pour qu’ils puissent obtenir justice.
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