L’autorité AML est déjà (discrètement) opérationnelle

Christophe BARDY - GRACES community
8/8/2024
Propulsé par Virginie
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L’Union européenne s’est dotée d’une nouvelle Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, l’Amla. Ainsi en ont décidé les Vingt-Sept, ce printemps, dans le cadre du «paquet AML». Si l’autorité basée à Francfort commencera officiellement ses activités à la mi-2025, elle est en réalité déjà instituée et certains aspects sont en vigueur depuis le 26 juin.


Conseiller au sein du département Gestion d’investissements chez Arendt & Medernach, Manfred Hoffmann explique que «l’Amla a d’ores et déjà le pouvoir d’influencer le marché en produisant des orientations, des recommandations et des standards techniques». Et cela, sur la base du nouveau règlement AMLR, autre pièce maîtresse du paquet européen: «Même si ce texte ne s’appliquera qu’en 2027, l’Amla est l’entité chargée de l’interpréter.»


L’Amla pourrait rendre les procédures soit très contraignantes, soit plus maniables.

Manfred Hoffmann, counsel, Arendt & Medernach


Exemple pratique: «En 2025, l’Autorité devrait probablement commencer à publier des standards techniques sur les mesures de vigilance raisonnable à l’égard des clients, un élément fondamental», souligne l’avocat. «Cela aura un impact réel, parce qu’on saura de quels documents on a besoin à cette fin. La manière dont l’Amla appliquera ces règles est cruciale: elle pourrait rendre les procédures soit très contraignantes, soit plus maniables. Quelle que soit la décision, elle affectera tous les acteurs de la même manière, ce qui est en soi un changement majeur.»


Manfred Hoffmann cite un deuxième exemple, propre à l’industrie des fonds: «Dans la plupart des fonds, le conseil d’administration assume collectivement la responsabilité du respect des normes de lutte contre le blanchiment. Cela va changer avec le nouveau règlement AML: d’ici à 2027, il faudra qu’une personne physique spécifique soit désignée. La Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) attendra probablement la recommandation de l’Amla pour s’aligner.»

Désormais, les autorités nationales devront tenir compte des orientations de l’Amla.

Sandrine Périot, associée, Arendt Regulatory & Consulting


Aussi, la donne change aussi bien pour les professionnels que pour les autorités de contrôle. «Jusqu’à présent, les autorités nationales bénéficiaient d’une certaine flexibilité dans la transposition et l’application des règles. Désormais, elles devront tenir compte des orientations de l’Amla», résume l’associée d’Arendt Regulatory & Consulting Sandrine Périot.


Pour l’experte, l’arrivée de l’Autorité constitue un développement positif: «Beaucoup d’acteurs attendent des directives techniques communes claires, ce qui manquait parfois par le passé. Les pratiques peuvent varier significativement d’un pays et d’un secteur à l’autre. Il est donc essentiel d’avoir la même interprétation partout. Avec l’Amla, nous nous attendons à une harmonisation qui devrait également améliorer l’expérience client à travers l’Europe. En quelque sorte, l’Autorité agira comme le gardien du temple.»


Si l’Amla travaille essentiellement en coulisse pour l’instant, tout ne se passe pas «derrière le rideau», ajoute l’associé d’Arendt & Medernach Glenn Meyer. «Ces deux prochaines années, des consultations auront aussi lieu, pour partie sur les orientations, les recommandations et les standards techniques à venir. Ces consultations vont jouer un rôle-clé. Elles sont cruciales car elles présentent des propositions au marché et sollicitent des retours, ce qui crée une interaction «démocratique» entre l’Autorité et les parties prenantes.»


C’est la première fois que nous observons une super-supervision dans ce domaine.

Glenn Meyer, associé, Arendt & Medernach


Dès 2027, l’Amla passera à la vitesse supérieure puisqu’elle supervisera directement 40 entités et groupes. Selon Arendt, il s’agit d’une «véritable révolution» sur le plan institutionnel. «C’est la première fois que nous observons une super-supervision dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme», insiste Glenn Meyer. «Dans son champ de supervision, l’Autorité disposera des mêmes pouvoirs qu’une autorité nationale, y compris la capacité d’imposer des sanctions.»


Le cadre institutionnel de l’Amla s’apparente quelque peu au Mécanisme de surveillance unique (SSM), où la Banque centrale européenne supervise les institutions bancaires significatives. L’approche tient cependant compte des spécificités de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, avec un focus sur le risque plutôt que sur la taille. «L’Amla considérera les activités transfrontalières et utilisera une méthodologie propre pour évaluer le risque. Les entités ayant le risque résiduel le plus élevé seront retenues pour la supervision directe», éclaire Glenn Meyer.


Au moins une entité luxembourgeoise


Contrairement au SSM qui se concentre uniquement sur les banques, l’Amla aura un champ de supervision plus large, englobant diverses entités du secteur financier. Les entités non financières resteront supervisées au niveau local. «Mais l’Amla jouera un rôle de supervision indirecte, en établissant une méthodologie de supervision convergente au niveau européen», précise le spécialiste. «Il y aura un travail de collaboration intense avec les autorités nationales pour garantir une uniformité de la supervision à travers tous les États membres.»


Dans le cadre de sa sélection à venir, l’Amla retiendra au moins une entité par État membre pour la supervision directe. Qui sera l’heureux élu au Luxembourg? Arendt ne s’attend pas à ce que ce soit un gestionnaire de fonds d’investissement. «En considérant les risques cumulés et les volumes gérés, il est probable que cela concerne une entité bancaire», estime Glenn Meyer. «Mais même si au moins une banque luxembourgeoise sera sélectionnée en vertu du prédit principe, d’autres filiales ou succursales d’un grand groupe bancaire européen situées au Luxembourg pourraient également être incluses de fait de leur adhérence à un groupe sélectionné dans un autre État membre.»


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