09/03/2023
Par un arrêt de Grande Chambre du 14 février 2023 (n° 21884/18), la Cour européenne des droits de l’homme constate la violation de la liberté d’expression d’un lanceur d’alerte français ayant dénoncé une pratique d’accords fiscaux passés entre son employeur, société d’audit, de conseil fiscal et gestion d’entreprise et l’Etat luxembourgeois.
Dans le cadre d’une procédure engagée devant elle en lien avec la dénonciation de pratiques d’évasion fiscale de grande ampleur opérée au Luxembourg par une société d’audit, de conseil fiscal et gestion d’entreprise, la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a reconnu, par un arrêt de Grande Chambre du 14 février 2023, la qualité de lanceur d’alerte à un ressortissant français, employé de cette société au moment des faits.
Au cas précis, à la suite d’une première dénonciation à un journaliste de pratiques d’évasion fiscale en 2011 par un ancien employé après sa démission, le requérant, lui-même toujours employé, a proposé à ce même journaliste, en mai 2012, de lui divulguer d’autres documents. Ces documents ont été utilisés lors d’une émission télévisée et mis en ligne par une association de journalistes.
A l’issue d’une enquête interne révélant l’identité du requérant, son employeur a engagé, au Luxembourg, une procédure pénale à son encontre.
Condamné au paiement d’une amende pénale et d’un euro symbolique en réparation d’un préjudice moral, qualifié par la juridiction d’appel, de « supérieur à l’intérêt général », le requérant a formé un pourvoi en cassation qui a été rejeté.
Invoquant la violation de sa liberté d’expression sur le fondement de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde de Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales (CESDH), le requérant a saisi la Cour en mai 2018 laquelle a statué dans un premier arrêt du 11 mai 2021 à la non-violation de l’article 10.
En application de l’article 43 de la Convention, le requérant a demandé le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre.
Infirmant la décision de première instance, la Grande chambre rappelle qu’il n’existe pas de définition abstraite et générale de la notion de lanceur d’alerte, ce qui laisse son appréciation se forger en fonction des circonstances de chaque affaire et de leur contexte.
La protection des lanceurs d’alerte repose sur la prise en compte de caractéristiques propres à l’existence d’une relation de travail :
Mettant en œuvre, au cas d’espèce, les critères posés dans son arrêt Guja c. Moldova du 12 février 2008 et apportant des précisions à ces derniers pour déterminer la qualité de lanceur d’alerte du requérant, la Cour considère que :
Par suite, constatant la violation de l’article 10 de la CESDH, la Cour considère que l’ingérence dans le droit à la liberté d’expression du requérant, en particulier de communiquer des informations, n’était pas « nécessaire dans une société démocratique » et demande, ainsi, que le Luxembourg verse au requérant 15 000 euros au titre du préjudice moral et 40 000 euros pour frais et dépens.
Inscrivez-vous et accèdez à l’ensemble de l’actualité GRACES.Community.