Le 10/06/2023
Le tribunal de la capitale doit se pencher sur une présumée 'organisation structurée', ayant impliqué une série de sociétés-écrans et des commerçants du quartier parisien de La Chapelle, qui aurait permis de blanchir plus de 17 millions d'euros en sept mois.
Les cartes téléphoniques prépayées comme 'instrument de blanchiment': les sociétés Lycamobile France et Lycamobile Services, trois responsables et huit autres personnes sont jugés à Paris à partir de lundi, soupçonnés de blanchiment et d'escroquerie à la TVA entre 2014 et 2016.
Jusqu'au 5 juillet, la 32e chambre correctionnelle du tribunal de la capitale doit se pencher sur une présumée 'organisation structurée', ayant impliqué une série de sociétés-écrans et des commerçants du quartier parisien de La Chapelle, qui aurait permis de blanchir plus de 17 millions d'euros en sept mois.
Un 'système' mis en place 'à l'insu' de Lycamobile, selon l'entreprise, qui se défend de toute infraction.
Révélée par le site Buzzfeed, l'affaire est partie d'une signalement Tracfin, la cellule de renseignements financiers de Bercy, qui a abouti à l'ouverture début 2016 d'une enquête préliminaire, ensuite confiée à un juge d'instruction.
Les investigations ont mis au jour un fonctionnement circulaire où se trouvaient, au départ, des entreprises du BTP, qui faisaient des virements et des chèques à des sociétés 'filtres', en échange de fausses factures.
Ces sociétés, en réalité des coquilles vides, achetaient des cartes et recharges téléphoniques à Lycamobile, mais ces marchandises n'étaient pas réceptionnées, selon l'enquête.
Deux commerciaux de Lycamobile les revendaient à des boutiques du XVIIIe arrondissement de Paris, qui leur donnaient en retour des espèces.
C'est ce cash, allégé de commissions pour les intermédiaires, qui revenait finalement aux entreprises de BTP initiales, qui l'auraient utilisé pour rémunérer illégalement leurs salariés ou leurs dirigeants, selon les investigations.
Les cartes prépayées et leurs recharges étaient revendues sur 'le marché ethnique' des communautés maghrébines, africaines et indo-pakistanaise souhaitant téléphoner à l'étranger.
'Cette procédure montre très clairement que les sociétés filtres et les entreprises du BTP ont organisé et mis en place un système permettant de rémunérer du travail dissimulé par un jeu de reventes de carte SIM à l'insu de Lycamobile', déclare à l'AFP un porte-parole de l'entreprise.
'On ne peut donc pas tenir Lycamobile responsable de la mise en place de ce schéma illégal qui lui est totalement étranger', ajoute le porte-parole.
Au contraire, l'accusation relève 'l'absence de tout contrôle sérieux sur les contrats, la pression sur le chiffre d'affaires par la direction londonienne et les volumes très importants générés par ces sociétés +filtres+ clientes, outre un management confus et éclaté entre la France et le Royaume-Uni'.
L'année de sa création, une société 'filtre' a réalisé un volume d'achats 'plus élevé' que les magasins Relay, relève encore l'accusation.
Le tribunal examinera, en outre, des soupçons d'escroquerie à la TVA par le 'dévoiement' d'un régime dérogatoire légal existant dans le secteur de la téléphonie.
L'accusation estime que, via un 'montage' entre les deux sociétés soeurs, Lycamobile Services a indument revendu les produits téléphoniques, achetées toutes taxes comprises (TTC) à Lycamobile France, à un prix hors taxe (HT), ce qui lui permettait de solliciter des remboursements de TVA.
Dans ce volet, les sociétés et leurs dirigeants ont affirmé sans relâche au cours de l'instruction qu'ils étaient de bonne foi et réfutent toute escroquerie.
Lycamobile France, Lycamobile Services, ainsi qu'Alain Jochimek, directeur général gérant les deux sociétés, sont jugés pour blanchiment d'abus de biens sociaux et de travail dissimulé en bande organisée.
Lycamobile Services et Alain Jochimek comparaissent aussi pour escroquerie à la TVA en bande organisée, Lycamobile France étant poursuivie pour complicité de cette seconde infraction.
Deux dirigeants anglais, le gérant de Lycamobile services Andrew England et le PDG Christopher Tooley, ont bénéficié d'un non-lieu dans le volet blanchiment. Ils comparaissent respectivement pour escroquerie à la TVA en bande organisée et pour complicité de cette infraction.
Huit autres prévenus sont jugés pour l'une ou l'autre infraction, soupçonnés d'avoir joué un rôle dans le système.
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