Vendredi 26 juillet, le gouvernement a implicitement refusé d’octroyer l’agrément à Anticor lui permettant d’intervenir dans les dossiers de corruption. Une décision que l’association conteste devant le juge administratif, saisi en urgence.
L’association, fondée en 2002, avait perdu son agrément en juin 2023 suite à un arrêt de la cour administrative d’appel de Paris. Depuis, l’association anticorruption a déposé deux demandes auprès de l’administration pour se voir octroyer un agrément, sans succès.
L’association avait fait une nouvelle demande d’agrément le 25 janvier 2024. Alors que l’administration dispose d’un délai de quatre mois, qu’elle peut proroger de deux mois, pour se prononcer, le Premier ministre n’a pas pris de décision dans le délai de six mois ce qui équivaut à une décision implicite de refus. Le gouvernement avait donc jusqu’au 25 juillet pour se prononcer.
L’agrément, octroyé à Anticor entre 2015 et 2023 permet notamment de se constituer partie civile lors des procédures pénales. Anticor s’est porté civile dans l’affaire Bygmalion, dans l’enquête visant le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler et était à l’origine de la plainte contre le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, finalement relaxé par la Cour de Justice de la République en novembre 2023.
Contacté par Public Sénat, Paul Cassia, président de l’association et professeur de droit public, estime que « la procédure d’attribution de l’agrément anticorruption est très peu pertinente ». Malgré le déport de certains ministres pouvant faire l’objet d’un conflit d’intérêts, le professeur de droit déplore que la procédure ne soit pas entre les mains d’une autorité administrative indépendante. « Anticor est intervenue dans des contentieux impliquant ou ayant impliqué des ministres, tels Élisabeth Borne, Éric Dupond-Moretti ou Amélie Oudéa Castéra. Ainsi, on demande un agrément à des autorités publiques contre lesquelles on a déposé plainte, et donc à l’égard desquelles on est en conflit. L’administration gouvernementale est alors juge et partie, d’où la nécessité de confier cette mission à une autorité indépendante, comme la Défenseure des droits ou la Haute autorité pour la transparence de la vie publique », souligne Paul Cassia.
Face à l’absence de justification et de motivation de la décision implicite du gouvernement relatif à la demande formulée le 25 janvier, l’association a saisi le juge administratif. « Une audience de référé au tribunal administratif de Paris est prévue le 7 août. Devant le juge administratif, il y a deux procédures, l’une au principal et parallèlement, une procédure d’urgence en référé. Cette seconde procédure permet au juge de suspendre la décision administrative s’il existe une illégalité éventuelle de la décision et qu’il y a urgence », rapporte le président de l’association.
A travers ce recours en référé, Anticor souhaite contraindre l’Etat à se prononcer sur la demande d’agrément de l’association. « Si le juge des référés fait droit à notre demande de suspendre le refus implicite du 26 juillet 2024, il peut ensuite obliger le Premier ministre à réexaminer la demande d’agrément à très bref délai. Il peut aussi compléter cet ordre par une astreinte, ce qui expose l’État à des pénalités financières proportionnelles au temps pris par le Premier ministre pour rendre sa décision sur notre agrément », détaille Paul Cassia.
Contacté par l’AFP, Matignon estime que « compte tenu du calendrier de la procédure, il semble opportun d’attendre l’issue du contentieux en cours ».
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