10.04.2022
« Les entreprises n’ont pas levé le pied dans leur engagement pour la compliance », souligne William Feugère au regard de l’étude 2021-2022 réalisée par ethicorp, en partenariat avec l’Association française des juristes d’entreprise (AFJE), et rendue publique la semaine dernière. Pour autant, lorsqu’on rapproche les résultats de l’enquête à ceux des éditions précédentes, les progrès sont lents, voire stagnent de manière préoccupante. Cette année, 82% des entreprises sont dotées de dispositifs de compliance. En 2019, ce chiffre s’élevait à 87 % (et à 63 % en 2017). Une régression qui pourrait s’expliquer notamment par la période de crise sanitaire qui a dû mobiliser les ressources internes en urgence sur d’autres sujets. Seul 37 % des entreprises ont achevé leur mise en conformité !
Les juristes estiment d’ailleurs avoir une meilleure vision de l’implication de la loi Sapin II. Alors qu’en 2019 ils étaient plus de la moitié à avoir une « vision moyenne » et seulement 28 % à avoir une vision « bonne ou excellente », la tendance s’est aujourd’hui inversée. Plus de 6 juristes sur 10 ont une vision bonne ou excellente de la loi et 1 juriste sur 4 estime avoir une vision « moyenne » de la loi. Si les entreprises ont conscience de leurs obligations, la mise en œuvre avance très lentement. En 2019, près de 6 entreprises sur 10 semblaient partiellement à jour de leurs obligations et 1 sur 3 était à jour. Aujourd’hui, c’est moins de la moitié des entreprises qui seraient partiellement à jour (48 %) et 37 % auraient achevé leur démarche de mise en conformité.
Pourquoi cette mise en conformité semble si laborieuse ?
Les facteurs principaux avancés sont le manque de moyens humains (58 % des répondants), la complexité des mesures à mettre en œuvre, le manque de temps (56 %), mais aussi l’absence d’engagement effectif de l’instance dirigeante (29,9%). On peut ici s'interroger sur la corrélation entre le manque d'engagement du top management et des autres difficultés soulevées par les compliance officers. Notons également que la mise en conformité RGPD est en cause, du fait qu’elle a mobilisé les ressources pour 27 % des répondants. Cartographie des risques, évaluation de l’intégrité des tiers, recueil des alerte…
Dans le détail, où en sont les entreprises assujetties à l’article 17 de la loi Sapin II ?
Les évolutions sont « très faibles en deux ans » relève l’étude. Cette année, 59 % des entreprises déclarent avoir établi leur cartographie des risques (contre 53 % en 2019). Donnée inquiétante : plus d’une entreprise sur 4 a répondu qu’il n’existait aucune cartographie, qu’il en existait une mais sur d’autres risques que la corruption ou qu’elle ne savait pas. Un chiffre identique à 2019. 67,5 % des entreprises ont établi une cartographie des risques consacrée spécifiquement au risque de corruption et 30 % ont préféré établir une cartographie générale sur les risques, avec une « extension anticorruption ». Concernant la charte éthique, 7 entreprises sur 10 l’ont mise en place et pour 10 % l’élaboration est en cours. Les chiffres sont sensiblement identiques pour la mise en place du code de conduite anticorruption et stagnent par rapport à 2019. Sur l’évaluation des tiers, des progrès sont notables : près de la moitié des entreprises ont mis en place des process (clients, fournisseurs) – soit une progression de 10 points comparé à 2019, et pour 3 entreprises sur 10, le travail est en cours. Quant aux processus comptables et financiers, ils ont majoritairement été révisés (54 %). Une légère progression à noter par rapport à 2019 (51 %). Un dispositif de signalement dans 80 % des entreprises
Qu’en est-il du dispositif de recueil d’alerte ?
Dans 80 % des entreprises, un dispositif de signalement existe. Un chiffre en hausse également comparé à 2019 (+ 2 points). Pour près de la moitié d’entre elles, il s’agit d’un dispositif qui concerne tous les crimes et délits (49 %). Pour 1 entreprise sur 3, le dispositif est dédié à Sapin II (articles 8 et 17 confondus). Pour 30 % des répondants, le dispositif ne vise que l’article 17 de la loi (manquements au code de conduite anticorruption). Mais concrètement, ces dispositifs sont-ils fonctionnels ? Aucune alerte n’a été reçue dans l’année pour près de 27 % des répondants. Pour 34 %, entre 1 et 10 alertes ont été reçues. Plus inquiétant encore, 24 % des répondants ignorent le nombre d’alertes qui ont été recueillies via le dispositif en place. Des chiffres qui interpellent : plus de la moitié des entreprises interrogées ont plus de 1000 salariés.
Comment ces mauvais résultats peuvent-ils s’expliquer ?
Il semblerait que les employés aient des craintes sur la protection réservée aux lanceurs d’alerte et les suites réelles données aux signalements. Les répondants identifient notamment « un manque de confiance » de leur part (52 %), des doutes quant au respect de l’anonymat et de la confidentialité ou encore la peur des mesures de rétorsion. L’étude avance enfin que les lanceurs d’alerte craignent que leur signalement soit enterré. 6 alertes sur 10 donnent lieu à une enquête interne Ces inquiétudes sont-elles fondées ? Il ressort de l’enquête que 6 alertes sur 10 donnent lieu à une enquête interne, une sanction disciplinaire (29 %) une action de sensibilisation (23 %) une révision des process de l’entreprise (23 %) ou à un licenciement (20 %). A noter enfin : un répondant sur trois en ignore les effets.
* Étude menée de manière anonyme auprès de 10 000 professionnels de la compliance (juristes membres de l’AFJE, compliance officers, risks managers). Plus de 700 réponses ont été enregistrées. 81% des répondants travaillent dans un groupe, et dans 49% des cas, ce groupe est coté. Leslie Brassac
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