Malte, Liban, Géorgie, Libye, Israël, Biélorussie, Pérou, Guatemala, Mali, Afrique du Sud, Bulgarie… Aux quatre coins du monde, l’année 2020 a été rythmée par des soulèvements populaires contre la corruption des élites. Ces soulèvements entraînant parfois même des changements de régime donnent l’impression que la corruption est partout et qu’elle atteint un niveau aussi inédit qu’insupportable pour les populations. Phénomène occulte, la corruption est par définition difficilement quantifiable. Des estimations existent pourtant, réalisées le plus souvent par des ONG et non par les pouvoirs publics. A Transparency International, on estime que 1.000 milliard d’euros issus de la corruption, de l’évasion fiscale ou des activités illégales circulent dans le monde chaque année. 1.000 milliard d’euros, c’est aussi la fourchette haute d’une estimation du Think Tank rand Europe du coût de la corruption pour l’UE. Un chiffre depuis repris officiellement par les institutions européennes. INDICATEURS Une autre manière d’évaluer la corruption, c’est de mesurer comment elle est perçue et comment elle est combattue. C’est l’objet de nos deux publications de référence : l’Indice de perception de la Corruption (IPC), que notre mouvement international publie chaque année et notre rapport biennal Exporting Corruption qui vient de paraître. Ces deux indicateurs, l’un de perception par les agents publics de 180 pays, l’autre factuel de la lutte contre la corruption transnationale au sein des 47 plus gros exportateurs mondiaux sont des indicateurs de référence repris dans le monde entier. Ils permettent de mesurer la réalité de la lutte contre la corruption de ces pays. Encore une fois, ce n’est pas anodin que ce soit nous, acteur de la société civile, qui produisions ces données et non des Etats ou des autorités internationales. COVID-19, UN ACCELERATEUR DE CORRUPTION Les crises sanitaire et économique n’ont rien arrangé, au contraire car l’urgence, la concurrence accrue et les impératifs de la relance augmentent les risques de corruption (plus d’argent et moins de contrôles). Des cas de corruption et la disparition d’une partie non négligeable des aides d’urgence ont été relevés aux quatre coins du monde (Zimbabwe, Afrique du sud, Brésil, Inde, Bolivie…). En France, où la corruption n’est pas endémique, cela a pris une forme plus feutrée mais réelle avec l’apparition d’intermédiaires douteux, de détournements de stocks de matériel de protection sur les tarmacs. Alors que nous signalions ce risque théorique dès le mois d’avril, une étude de la rédaction de Radio France sur les achats de masques par les régions pendant la crise sanitaire montre que nous avions raison : le recul de la transparence dans la commande publique entraine des surcoûts pour le contribuable, des risques accrus de fraude, de favoritisme ou d’escroquerie. Et si on peut comprendre que l’urgence justifie ces assouplissements des règles, nous dénonçons la pérennisation de ces dispositions à travers la loi ASAP votée le mois dernier et validée par le Conseil constitutionnel. La nécessité de la relance sert de prétexte pour faire reculer la transparence. Avec 90 milliards de commande publique par an, le risque juridique est énorme. LA FRANCE EN FIN DE CYCLE 4 ans après la loi Sapin 2, à 6 mois de l’audition de la France par l’OCDE sur sa lutte contre la corruption et à un an et demi de la prochaine présidentielle, il est temps de faire un bilan et de dresser des perspectives d’amélioration des outils et dispositifs nationaux et internationaux de la lutte contre la corruption. Sont-ils à la hauteur des enjeux financiers et démocratiques ? La France n’est pas mal positionnée, grâce aux initiatives prises ces dernières années durant lesquelles des institutions essentielles comme la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, le Parquet national financier ou l’Agence française anticorruption ont été mises en place. Si ces créations sont un acquis, nous ne pouvons ignorer une accumulation récurrente de signaux négatifs qui nous indiquent que nous sommes à la fin d’un cycle. Malgré le travail effectué par l’Agence Française Anticorruption (AFA), nous manquons cruellement de données pour évaluer la loi sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique dite Sapin 2, quatre ans après sa promulgation. La récente annonce de la création d’une mission d’évaluation de cette loi à l’Assemblée nationale devrait permettre d’en savoir plus. Parmi ces signaux négatifs, on compte aussi l’extension du registre du lobbying aux collectivités locales, reportée une nouvelle fois, de 2021 à 2022, subrepticement pourrait-on dire, dans la loi du 11 mai 2020 qui a prorogé l’état d’urgence sanitaire. A contrario, il faut se féliciter de la montée en puissance de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique : c’est son questionnement qui permet de percevoir l’existence d’un conflit d’intérêts potentiel. Le problème de la France, c’est qu’elle a toujours été en réaction, jamais véritablement proactive. Pour nous, ce sujet-là doit être davantage pris en compte. D’abord, parce que la France a contracté des engagements internationaux (auprès de l’OCDE, de l’UE ou du Groupe d’action financière) de plus en plus importants : si on signe des conventions, c’est pour les respecter. Mais il faut désormais mettre davantage l’accent sur la prévention, la bonne gouvernance. Cela veut dire maîtrise des risques, contrôles internes, audits externes. Mais il y a aujourd’hui un risque que les règles multilatérales ne se grippent, sous la pression de certains pays qui n’ont pas intérêt à jouer le jeu. La France peut et doit lancer une dynamique au niveau national et européen pour harmoniser le droit européen pour mieux lutter contre la corruption. C’est l’objectif du rapport rendu public récemment par Bernard Cazeneuve et qui contient des propositions qui font écho à notre expertise. TRANSPARENCY INTERNATIONAL FRANCE : UN ACTEUR UTILE ET EFFICACE DE LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION En tant que mouvement présent dans plus de 100 pays dans le monde, Transparency international développe une vision et une expertise internationale les différentes formes que prend la corruption, du local au global. Nous évaluons la corruption, recueillons les signalements émanant des citoyens, défendons les victimes de corruption devant la justice, identifions les faiblesses des lois et des règlements et faisons du lobbying auprès des pouvoirs publics pour définir des outils et des moyens de lutte contre la corruption à l’échelle des enjeux démocratiques et financiers. La corruption est un virus. Et la transparence est un antidote contre ce virus. C’est au pouvoir de l’administrer avec des lois, des dispositifs de prévention, des autorités de contrôle et de sanction adéquats. La corruption est une réalité vertigineuse ? Les moyens que les pouvoirs publics y consacrent doivent être vertigineux. Nous sommes là pour les y aider. Et leur rappeler leurs manquements quand la volonté politique faiblit comme c’est le cas en ce moment. Et comme dans la crise sanitaire actuelle, les citoyens, à leur échelle, peuvent contribuer à l’éradication du virus en appliquant les gestes barrières. Un des meilleurs gestes barrières contre la corruption, c’est de faire un don à Transparency International France.
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