Dans un contexte de bonne gouvernance et davantage d’éthique et de transparence dans la vie des affaires, L’Union Européenne s’est dotée de mesure à la hauteur de ces ambitions. Fin 2019, elle a émis une nouvelle Directive européenne sur les lanceurs d’alerte et l’utilisation d’une ligne d’alerte éthique.
Une ligne d’alerte éthique, c’est l’organisation de moyens et dispositifs à déployer au sein des entreprises, permettant à tous les collaborateurs en entreprise de reporter à sa Direction tous les dysfonctionnements et faits répréhensibles dont ils auraient été témoins. Les signalements émis à travers la ligne d’alerte peuvent porter sur les sujets tels que délit (corruption, fraude, abus de biens sociaux,…) ; harcèlement, discrimination, violation de la vie privée, santé publique ou encore aspects environnementaux : Ceux-ci seront dès lors traités avec diligence afin de corriger ces dysfonctionnements par des actions de remédiation. La Directive Européenne sur la protection des lanceurs d’alerte entrera en vigueur dès 2021 pour toutes les entreprises du 28 pays membres. Dans un premier temps, les entreprises ayant un effectif supérieur à 250 salariés, les communes de plus de 10,000 habitants ou entités de droit public devront s’y conformer ; alors que les sociétés avec un effectif minimum de 50 salariés bénéficieront d’une période de deux ans supplémentaires pour la mise en œuvre. Pour la plupart des pays membres, le déploiement d’une ligne d’alerte éthique avec les mécanismes garantissant la protection des lanceurs d’alerte est une nouveauté ; et la nouvelle directive fournit toutes les dispositions et les orientations sur la manière de mettre en œuvre une ligne d’alerte éthique efficace ; que ce soit le champ d’application, les procédures de traitement des signalements, les paliers graduels de remontée de l’alerte ou encore les sanctions. Pour les pays ayant d’ores et déjà une réglementation en la matière, il convient désormais de prendre en compte les caractéristiques de la directive, lors de la transposition, pour s’assurer de l’adéquation des réglementations nationales avec les lignes directrices éditées par l’Union Européenne.
C’est le cas de la France, ayant une réglementation et des conditions précises d’application et de mise en œuvre d’un ligne d’alerte éthique depuis l’adoption de la loi SAPIN 2 de Décembre 2016 ; que ce soit pour la ligne d’alerte générale issue des articles 6 et 8 de loi, ou la ligne d’alerte en tant que mesure obligatoire dans le programme de prévention anti-corruption de l’article 17. Le dispositif de signalement est désormais bien intégré dans le paysage de la conformité en France ; avec un taux d’application élevé pour les grands groupes et les organisations publiques, tandis que les sociétés de taille moyenne s’y conforment plus lentement mais avec une progression constante. En substance, la nouvelle directive européenne et la loi SAPIN 2 sont assez similaires, visant globalement à détecter et remonter des dysfonctionnements et des faits répréhensibles, tout en protégeant le lanceur d’alerte à l’initiative de la remontée de l’alerte. Cependant, certains aspects, structurants et non-négligeables, de la nouvelle directive divergent de la réglementation française ; et peuvent être résumés comme suit : \- Procédure de signalement graduée en 2 paliers versus 3 paliers La réglementation français prévoit actuellement un encadrement plus stricte, avec 3 paliers d’escalade pour les signalements émis par les lanceurs d’alerte : 1) à l’organisation interne, 2) au régulateur et autorités compétentes, 3) révélation publique. Un signalement ne peut être « escaladé » au palier supérieur par le lanceur d’alerte; uniquement si celui-ci n’a pas été correctement traité dans un délai raisonnable. En cas de manquement au respect de cette graduation, l'émetteur ne pourrait alors prétendre au statut de lanceur d’alerte et à la protection juridique associée. La Directive Européenne assouplit le processus de graduation avec seulement 2 paliers : 1) traitement en interne et externe (autorités compétentes), puis 2) révélation publique ; ce qui est de nature à conforter et rassurer les lanceurs d’alerte subissant une pression de la hiérarchie en interne. \- Personnes éligibles au statut et à la protection juridique du lanceur d’alerte Les dispositions SAPIN 2 n'accordent le statut de protection qu'aux employés (et dans une certaine mesure, au personnel intérimaire externe); tandis que la nouvelle directive européenne élargit considérablement la population éligible, englobant les personnes qui assistent les lanceurs d'alerte, c’est-à-dire les personnes physiques et morales liées aux lanceurs d’alerte (facilitateurs, collègues, famille). \- Connaissance des faits Actuellement, la protection est accordée aux lanceurs d'alerte dans la loi SAPIN 2 pour les signalements de faits/dysfonctionnements, dont le lanceur d'alerte a personnellement eu connaissance ; alors que la nouvelle directive européenne assouplit également cette mesure ; en élargissant la statut au lanceur d’alerte émettant un signalement de dysfonctionnements qui auraient été constatés par des tiers. Les enjeux de la transposition : encourager les lanceurs d’alerte à contribuer davantage et favoriser la transparence et l’éthique dans les affaires. Dès les prémices de la loi Sapin 2 et jusqu'à ce jour, il y a eu des prises de position diamétralement opposées sur les caractéristiques d’un dispositif d'alerte, avec d'une part les ONGs telles que Transparency International ou Anticor, souhaitant moins d'opacité et plus d'engagement et responsabilité sociale et sociétale ; et d'autre part les entreprises prônant une transparence plus encadrée, plus "maîtrisée". Une graduation à 3 paliers tend à favoriser cette seconde position ; elle permet ainsi aux organisations de canaliser et filtrer les signalements fantaisistes et de mieux maîtriser l'issue d'une alerte. C'est un levier supplémentaire accordé aux entreprises de traiter efficacement les signalements, tout en gérant les risques légaux et réputationnels qui pourraient en découler. Il semble y avoir actuellement un consensus sur une évolution nécessaire de la réglementation, visant à encourager l’utilisation de la ligne d’alerte éthique et les lanceurs d’alerte à contribuer davantage au signalement d’actes répréhensibles. De nombreuses initiatives de réflexion, colloques et discussions ont abouti à ce que le Défenseur des Droits, autorité administrative indépendante, formule un rapport encourageant l’Etat français à être à la hauteur de l’ambition de la directive européenne, notamment sur les aspects suivants : . un élargissement du statut de lanceur d’alerte et la protection légale associée, aux syndicats, ONGs, personnes assistants les lanceurs d’alerte, . rompre la solitude pour le lanceur d’alerte, encourageant et accompagnant celui-ci dans son processus de réflexion et d’émission un signalement, . identifier et doter en moyens les organisations indépendantes et compétentes pour accompagner les lanceurs d’alerte et créer les conditions favorables à encourager la démarche. La transposition à venir de la nouvelle directive sera sans nul doute âprement débattue, avec les forces en présence, lorsqu'il s'agira de faire évoluer la loi Sapin 2. Mais elle offre dans le même temps une opportunité providentielle d'améliorer un dispositif, dont l’utilité est désormais reconnue dans le paysage français. Faire évoluer le principe de ligne d’alerte vers une phase plus mature, c’est aller dans la sens de l’Histoire, vers plus de transparence et de responsabilité sociale et sociétale. Un article co-écrit par : - Jean-Jacques QUANG, Directeur Associé – Ethicaline - Jan Tadeusz STAPPERS, Senior Manager pour WhistleB – NAVEX Global LIEN :
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