Après des années d’enquête, le juge d’instruction a décidé d’abandonner toutes les poursuites dans cette affaire à l’encontre du groupe, qui possède entre autres Auchan, Leroy Merlin ou Decathlon.
L’enquête menée pendant plus de dix ans sur des soupçons notamment de blanchiment de fraude fiscale au sein de la «galaxie» Mulliez (Auchan, Leroy Merlin, Decathlon) a finalement abouti à un abandon général des poursuites pour les sociétés et dirigeants mis en cause, après un non-lieu cet été, rapporte l’AFP ce mardi 22 octobre.
«Après dix ans d’investigations», l’information judiciaire menée par un juge d’instruction parisien «n’a permis de caractériser ni les faits d’abus de confiance ni les faits de blanchiment de fraude fiscale reprochés aux sociétés du groupe Mulliez et à leurs dirigeants», fait savoir une source judiciaire. Le juge d’instruction a rendu son ordonnance de non-lieu le 14 août. Le Parquet national financier n’a pas fait appel mais le plaignant, lui, a décidé de faire appel.
L’enquête s’est plongée dans les montages financiers de la «galaxie» d’entreprises Mulliez, non cotées en Bourse, à la structure complexe et opaque, régie par un pacte : elle mélange des sociétés civiles détenues par la famille et des holdings gérant les enseignes. Seuls les descendants du couple Mulliez d’origine, Louis et Marguerite, ainsi que leurs conjoints, communément appelés «valeurs ajoutées», sont autorisés à posséder des participations. Tous intègrent l’Association familiale Mulliez (AFM), créée en 1955, un groupement d’intérêt économique qui compte aujourd’hui près de 900 membres de la famille. Il est à la tête de 130 enseignes, dont Auchan, Decathlon, Leroy Merlin, Saint-Maclou, Jules, Kiabi, Pizza Paï, Electro Depot, Flunch, Weldom ou encore Boulanger, soit un chiffre d’affaires cumulé de 100 milliards d’euros et 650 000 emplois dans le monde.
En 2012, un ex-membre de la famille, Hervé Dubly, avait dénoncé dans une première plainte à Lille «des prêts très élevés sans écrits et sans intérêts accordés» par des structures du groupe «à des sociétés étrangères (plusieurs centaines de millions) et à des personnes physiques via des sociétés civiles personnelles ou familiales (plusieurs millions)», avait rapporté en mai une source judiciaire. Le plaignant y voyait des prêts opaques et sans justification apparente constituant un abus de confiance, notamment en ce qu’ils ne respecteraient pas l’égalité entre les associés.
Selon la source judiciaire, ce montage aurait pu «permettre également une minoration de l’impôt en France (permettant par exemple de bénéficier de dividendes à l’étranger)». L’enquête avait donné lieu à des perquisitions dont la presse avait fait état en 2016 en France, en Belgique et au Luxembourg, mais aussi aux Pays-Bas en 2019.
Plusieurs mises en examen avaient été prononcées : Jérôme et Thierry Mulliez en 2019, ainsi qu’un gérant d’une société néerlandaise liée au groupe en 2020 pour abus de confiance et blanchiment de fraude fiscale, et, en janvier 2023, trois structures financières pour blanchiment aggravé de fraude fiscale aggravée.
Au terme de la procédure, s’agissant du volet abus de confiance, le juge d’instruction a estimé que «les investigations ont permis de conclure à une absence de volonté de léser tel ou tel associé» et a écarté le blanchiment de fraude fiscale. Selon la source judiciaire, «il découle de cette jurisprudence que les éventuels redressements des sociétés qui seraient imposées en France seraient très probablement considérablement minorés» voire ne donneraient lieu «à aucun rehaussement d’impôts».
«Des informations parcellaires avaient fuité dans la presse en violation manifeste du secret de l’instruction et ont porté atteinte à l’honneur des personnes physiques et morales concernées», a réagi auprès de l’AFP l’AFM. Contactés, plusieurs avocats en défense n’ont pas souhaité s’exprimer.
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