Le médicament antidiabétique du laboratoire Servier, indûment prescrit comme coupe-faim, est tenu pour responsable de centaines de morts.
C’est la conclusion d’un procès en appel qui a duré six mois. Le groupe Servier, qui a commercialisé le Mediator, médicament utilisé comme coupe-faim accusé d’avoir provoqué de graves lésions cardio-vasculaires, a été condamné mercredi 20 décembre en appel à une amende totale de plus de 9 millions d’euros et à rembourser plus de 415 millions d’euros aux organismes de Sécurité sociale et aux mutuelles.
Le groupe pharmaceutique a été reconnu coupable de tous les délits qui lui étaient reprochés, dont ceux d’escroquerie et d’obtention indue de mise sur le marché, pour lesquels il avait été relaxé en première instance. La cour d’appel a confirmé la culpabilité de Servier pour les délits de tromperie aggravée et d’homicides et blessures involontaires.
Les six sociétés composant le groupe Servier ont été condamnées, au total, à des peines d’amendes de 9,173 millions d’euros.
Jean-Philippe Seta, ex-bras droit du tout-puissant fondateur du groupe, Jacques Servier (mort en 2014), et seule personne physique prévenue au procès en appel, a été condamné à quatre ans de prison, dont un an ferme, à accomplir sous bracelet électronique et à un total de près de 90 000 euros d’amende.
La cour n’a pas suivi les réquisitions du parquet, qui demandait la confiscation des bénéfices de Servier lié au Mediator, soit 182 millions d’euros, arguant que cela risquait « de mettre en péril le groupe ».
S’agissant des caisses d’assurance-maladie et des mutuelles, la cour a condamné Servier à leur verser la somme de plus de 415 millions d’euros au titre du préjudice financier, plus de 1 million d’euros au titre du préjudice de désorganisation et plus de 5 millions d’euros en frais de procédure.
« C’est une immense victoire pour les victimes que je représente et que je défends depuis la première plainte, de novembre 2010 », a commenté Charles-Joseph Oudin, un des avocats des plus de 7 000 parties civiles.
Lors de la présentation en détail du jugement, le président de la cour, Olivier Géron, a relevé que le laboratoire avait « privilégié son intérêt financier sur l’intérêt des patients ».
Le Mediator, commercialisé en 1976 pour le traitement du diabète, mais largement détourné comme coupe-faim, a été prescrit à quelque cinq millions de personnes. Il a été retiré du marché en 2009, après qu’un lien avec des lésions cardiaques et de l’hypertension artérielle pulmonaire a été établi par la pneumologue Irène Frachon. Il est tenu pour responsable de centaines de morts.
Au total, 7 650 personnes se sont constituées parties civiles au procès, la plupart dans le volet tromperie. Quelque 5 000 autres dossiers pour homicides ou blessures involontaires sont toujours à l’instruction au parquet de Paris, ouvrant la voie à un probable second procès Mediator dans les prochaines années.
Le Monde avec AFP
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