Responsabilité du dirigeant et de l’entreprise du fait de l’ESG

Christophe BARDY - GRACES community
27/8/2024
Propulsé par Virginie
Cet article est réservé aux membres GRACES.community

De l’exigence de transparence porté par l’outil de reporting extra-financier émanant de la CSRD à la nouvelle directive CS3D sur le devoir de vigilance, introduisant des obligations et une responsabilité pour les entreprises en raison des potentiels effets négatifs de leurs activités sur les droits de l'homme et la protection de l'environnement, le risque ESG s’illustre par son caractère complexe et hétéroclite.


L’appréhension de ce nouveau risque par le monde de l’assurance exige une connaissance fine des nouvelles réglementations, de même que les entreprises et dirigeants sociaux assurés, ne doivent jamais souffrir l’insuffisance de couverture ou le risque d’exclusion de garantie.


Dans ce contexte de caractérisation imprécis de la faute ESG, un doute subsiste naturellement quant à l’amplitude de la mobilisation des garanties d’assurance classiques Responsabilité civile de l’entreprise (RC) et Responsabilité civile des mandataires sociaux (RCMS). Sera-t-elle suffisamment consistante, alors même que la difficulté liée à la qualification de la faute ESG est partagée, notamment en raison de son caractère transversal et poreux ?


Le risque ESG : un risque protéiforme et mouvant


Initialement volontariste, la RSE est un concept qui se concentre sur la manière dont les entreprises intègrent les préoccupations sociales et environnementales dans leurs activités économiques, objectivés au travers des critères ESG et des fameux « reportings extra-financiers » dont le rapport de durabilité conforme à la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), ou encore au travers de la publication d’informations sur les risques de durabilité issue de la Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CS3D) introduisant le concept de devoir de vigilance au niveau européen.


Ainsi, les obligations imposées par l’ESG exigent tant de la fiabilité, qu’une traduction effective au sein d’un plan d’action. Or, il peut être reproché à l’entreprise et à son dirigeant tant l’inertie résultant de l’absence d’engagement dans les processus de production des données de durabilité, que la mauvaise traduction de ces données. Ainsi, la solidité des données de durabilité est un enjeu majeur pour l’entreprise, et le risque de qualification de greenwashing n’est jamais loin… En effet, outre les investisseurs, premiers destinataires des reportings ESG, les ONG notamment se saisissent de ces informations pour dénoncer le greenwashing de certaines entreprises.


Par conséquent, la « faute ESG » est difficile à appréhender, tant dans ses éléments constitutifs, que dans l’amplitude du préjudice qu’elle pourrait générer, notamment du fait de la transversalité des obligations et des responsabilités de l’entreprise et de ses dirigeants sociaux. Le faisceau d’indices est néanmoins tout à fait établi aujourd’hui, notamment grâce à la directive CS3D qui identifie les exigences en matière de diligence des entreprises, avec une approche basée sur les risques (intégrer une conduite commerciale responsable dans les politiques et les systèmes de gestion, identifier, évaluer et hiérarchiser les impacts négatifs réels ou potentiels sur les droits de l’homme ou l’environnement, prévenir, atténuer ou mettre fin aux impacts négatifs et apporter des mesures correctives si nécessaire, mettre en œuvre un plan de transition climatique conforme à l’Accord de Paris… Etc.).


D’ailleurs, la CS3D rend effective ces responsabilités identifiées car elle prévoit que les autorités nationales seront chargées de veiller à ce que les victimes d'impacts négatifs aient un accès effectif à la justice et à une indemnisation, et que des sanctions pourront être adoptées en réponse au non-respect de la réglementation par les entreprises, notamment au travers de sanctions administratives, de l’exclusion des marchés publics et de la responsabilité civile en cas de dommages pour compenser le préjudice causé. Ainsi, la directive exige une intégration des principes de vigilance dans les politiques internes de l’entreprise ainsi que dans ses pratiques de management. Elle impose une action de la part de l’entreprise dès qu’il y a risque, réel ou supposé, là où la France exigeait des entreprises de mettre en place des mesures de prévention pour les atteintes graves uniquement.


Les mesures de prévention sont également prévues par la directive, de sorte qu’il est imaginable que la société et son dirigeant doivent prouver l’ensemble des actions mises en œuvre pour parvenir aux objectifs en cas de manquements reprochés, et que des actions soient engagées par les parties prenantes en cas de carences constatées. C’est ainsi que la garantie RC de l’entreprise et la garantie RCMS du dirigeant, doivent pouvoir être mobilisables.


Les garanties d’assurances comme outil d’appréhension des conséquences du nouveau risque ESG


Les entreprises doivent intégrer le devoir de vigilance dans leurs politiques, réaliser les investissements nécessaires, obtenir des garanties contractuelles de la part de leurs partenaires, améliorer leur plan de gestion ou apporter leur soutien aux petites et moyennes entreprises partenaires afin de s’assurer qu’elles se conforment aux nouvelles obligations, outre l’adoption d’un plan de transition pour rendre leur modèle économique compatible avec la limite de 1,5 °C de réchauffement climatique fixée par l’Accord de Paris. Elles doivent publier leurs informations extra-financières et œuvrer pour l’amélioration continue vers une économie du développement durable au sens le plus large. Si elles ne sont pas toutes immédiatement concernées, le mouvement est inéluctable pour l’ensemble de la société et des entreprises. Les sanctions et actions aux fins de réparation économique des préjudices sont aujourd’hui une réalité pour les entreprises et leurs dirigeants.


L’assurance Responsabilité civile (RC), est le contrat qui prend en charge les conséquences encourues par l’entreprise assurée, lorsqu’elle cause un dommage matériel, immatériel ou corporel à un tiers, par inattention, négligence ou imprudence. Les entreprises devront s’assurer de la consistance de leurs garanties pour couvrir les conséquences de ce nouveau risque ESG, au travers de la vérification du contenu des garanties et de l’examen particulier des clauses d’exclusion. De même, l’obligation personnelle du dirigeant social de mettre en œuvre les mesures propres à éviter les préjudices liés à la transition écologique et à la justice sociale peut, en tout état de cause, être sanctionnée sur le fondement du droit commun de la responsabilité délictuelle.


Ainsi, tous les dirigeants sociaux peuvent être concernés (sans égard à la taille ou l’activité de la société). L’assurance de responsabilité civile des mandataires sociaux (RCMS) intervient alors, dans sa vocation habituelle de garantie des dirigeants contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qu’ils peuvent encourir à l’égard des tiers dans l’exercice de leur fonction. La garantie RCMS sera mobilisée, pour tout manquement aux dispositions légales, réglementaires ou statutaires, toute faute de gestion, erreur, omission ou négligence commise par l’assuré ou alléguée à son encontre, et qui engage sa responsabilité. Elle pourrait être d’ailleurs également mobilisée pour toute abstention, désintérêt, inertie dans la mise en œuvre des mesures de vigilance ou de violation des statuts mentionnant les engagements RSE.


Néanmoins, le doute subsiste quant à l’amplitude de la mobilisation de cette garantie. Sera-t-elle suffisamment consistante, alors même que la difficulté liée à la qualification de la faute ESG a largement été démontrée, notamment en raison de son caractère transversal et poreux ? C’est par un travail rigoureux d’audit des polices d’assurance et d’accompagnement des entreprises et dirigeants quant à l’impact concret de ce nouveau risque ESG sur leur secteur, que le monde de l’assurance optimisera sa vocation essentielle de partenaire économique et de promoteur de la transition écologique et sociale, de même que les entreprises et dirigeants sociaux s’assureront d’une couverture assurantielle optimale pour ce nouveau risque.


En France, la nouvelle chambre 5-12 de la Cour d’appel de Paris, -inaugurée pour répondre de manière prétorienne aux incertitudes ouvertes par la transversalité des contentieux émergents– apportera sans nul doute une orientation essentielle quant aux rédactions des polices d’assurance, face à ce nouveau risque ESG. Cette nouvelle chambre spécialisée représente d’ailleurs une innovation dans l’horizon juridique faisant, de la France le nouveau « HUB » d’appréhension du risque ESG, puisqu’elle n’a aucun d’équivalent dans les autres pays européen.


Envie de lire la suite de l’article ?
Il vous reste 50% de l’article à lire
Inscrivez-vous sur GRACES.community pour profitez de toute l’actualité compliance
directement depuis votre espace Membre !
M'inscrire

Plus de 200 sociétés ont trouvé leur compliance officer avec GRACES.community,

et si c’était vous ?