TRANSPARENCY INTERNATIONAL SUISSE : étude sur la "Punissabilité de l’entreprise"

Christophe BARDY - GRACES community
26/3/2021
Propulsé par Virginie
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Corruption et blanchiment d’argent: étude sur la responsabilité pénale des entreprises en Suisse complétée par une comparaison internationale

Droit pénal suisse de l’entreprise entaché de déficiences considérables

Il est très rare que des entreprises doivent répondre en Suisse d’infractions au code pénal, bien que la norme pénale qui régit leur responsabilité soit en vigueur depuis bientôt 20 ans et que des entreprises ayant leur siège en Suisse soient aujourd’hui encore souvent impliquées dans de graves affaires de corruption et de blanchiment d’argent. Cette situation s’explique principalement par les faiblesses de la norme pénale elle-même ainsi que par les insuffisances des instruments de procédure pénale et de la pratique des ministères publics de la Confédération et des cantons. C’est la conclusion à laquelle parvient Transparency Suisse dans l’étude qu’elle publie aujourd’hui. Il faut dès lors améliorer d’urgence la réglementation, l’application et la transparence du droit pénal de l’entreprise.

En Suisse comme dans de nombreux autres pays, les entreprises sont passibles de sanctions si elles n’ont pas avoir pris toutes les dispositions raisonnables et nécessaires pour prévenir de graves infractions, comme la corruption et le blanchiment d’argent, commises dans l’exercice de leurs activités commerciales (art. 102 code pénal). Bien que cette disposition soit en vigueur depuis 2003 déjà, le nombre d’entreprises condamnées est encore très faible dans notre pays. Ce constat est d’autant plus choquant – tant dans la perspective de la prévention et de la lutte contre la corruption que dans celle de l’Etat de droit et de la société – que des entreprises suisses sont souvent impliquées dans de graves affaires internationales de corruption et de blanchiment d’argent et que le taux de criminalité réel, compte tenu du pourcentage de cas non découverts, est sans doute bien plus élevé en Suisse aussi.

Dans l’étude qu’elle publie aujourd’hui, l’organisation Transparency Suisse procède à une analyse complète de la législation et de la pratique actuelles en matière de droit pénal de l’entreprise, en abordant aussi les procédures pénales. Cette étude porte également sur la situation du droit pénal de l’entreprise dans les pays voisins de la Suisse, au Royaume-Uni et au sein de l’OCDE, et s’arrête sur les enseignements tirés du droit suisse des cartels, dont les instruments revêtent aussi un intérêt certain pour le droit pénal de l’entreprise. Voici les principaux résultats de l’analyse effectuée:

  • Le droit pénal de l’entreprise est lacunaire, la liste d’infractions relevant de la punissabilité des entreprises étant trop limitée. Le droit de la procédure pénale présente lui aussi de considérables lacunes: il n’incite pas suffisamment les entreprises à se dénoncer et à coopérer pleinement et les procédures spéciales régulièrement appliquées dans le cas des entreprises (procédure d’ordonnance pénale et procédure simplifiée) sont trop opaques et entrent en tension avec les principes de l’Etat de droit.
  • L’application du droit pénal de l’entreprise par les autorités compétentes de la Confédération et des cantons présente des déficiences. En raison de la difficulté à réunir les preuves nécessaires, les ministères publics dépendent souvent nécessairement de la collaboration des entreprises fautives pour amener celles-ci à répondre pénalement de leurs actes. Toutefois, ces autorités n’ont pour l’instant pas suffisamment exploité les possibilités que leur offre le droit pour inciter des entreprises à se dénoncer et à coopérer. En outre, divers problèmes se posent au sein des ministères publics eux-mêmes, de sorte que, tout compte fait, ils n’ont jusqu’à présent pas poursuivi systématiquement les infractions au droit pénal de l’entreprise.
  • La pratique des autorités est entachée de graves déficits en matière de transparence. Jusqu’ici, toutes les condamnations ont été prononcées à l’issue d’une procédure d’ordonnance pénale, à laquelle le public n’a pas accès ou seulement un accès limité. Les obstacles entravant la consultation des dossiers sont encore plus grands lorsqu’aucune condamnation n’est prononcée (décisions de classement et décisions de non- entrée en matière). De surcroît, les statistiques disponibles sont lacunaires.

L’étude montre que des progrès sont nécessaires dans tous les domaines. Transparency Suisse présente ainsi dix revendications assorties d’améliorations concrètes. Il s’agit, pour l’essentiel :

  • d’améliorer considérablement la transparence de la juridiction pénale en matière de punissabilité des entreprises;
  • de prendre des mesures pour inciter les entreprises à se dénoncer et à coopérer pleinement avec les autorités de poursuite pénale;
  • de garantir que les accords passés par les ministères publics et les entreprises fautives ainsi que les infractions graves seront toujours jugés par un tribunal (et non réglés uniquement par les ministères publics);
  • de combler les lacunes actuelles du droit pénal (liste d’infractions trop limitée en droit pénal de l’entreprise).

Martin Hilti, directeur de Transparency Suisse, déclare à ce propos:

«En Suisse, la responsabilité pénale de l’entreprise présente des déficiences aussi considérables que nombreuses. Il est temps que le législateur et les autorités de poursuite pénale garantissent que les entreprises qui commettent des infractions pénales répondent systématiquement de leurs actes. La situation actuelle en Suisse est des plus insatisfaisantes, tant dans la perspective de la prévention et de la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent que dans celle de l’Etat de droit et de la société.»

L’étude «Punissabilité de l’entreprise – réglementation lacunaire, application insatisfaisante, transparence insuffisante» est disponible en français, allemand et anglais sur le site [www.transparency.ch](http://www.transparency.ch) (Publications).

p/o Virginie Gastine Menou

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