Le 23 février, la Commission européenne a présenté son projet de directive qui impose aux entreprises un devoir de vigilance en les responsabilisant en matière de droits humains et de respect de l’environnement.
« La présente proposition vise à atteindre deux objectifs. Premièrement, répondre aux préoccupations des consommateurs qui ne souhaitent pas acheter des produits issus du travail forcé ou détruisant l’environnement, par exemple. Deuxièmement, soutenir les entreprises en apportant une sécurité juridique quant à leurs obligations au sein du marché unique. Cette législation promouvra les valeurs européennes dans les chaînes de valeur, de manière équitable et proportionnée. »
Věra Jourová, vice-présidente chargée des valeurs et de la transparence, Commission Européenne.
Si le Parlement européen a adopté une résolution définissant les contours de la loi européenne sur le devoir de vigilance, les négociations patinent. Les ONG, notamment les Amis de la Terre et l’European Coalition for Corporate Justice, dénoncent les effets dilatoires du lobbying des grands groupes, qui assument ainsi un risque réputationnel. Il est important alors d’identifier les risques et les enjeux pour les directeurs juridiques et compliance dans la prévention des atteintes envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement. Les intervenants de cette table ronde ont d’abord posé les enjeux juridique, d’image et de « conformité/ vigilance ». Puis ils ont analysé les tendances à venir tant du point de vue « normatif » que réputationnel. Parmi les sujets de fond abordés par les intervenants figurent la directive européenne sur le devoir de vigilance, la loi française de 2017 relative au devoir de vigilance, première dans son genre, ainsi que les lois de nos voisins européens notamment la loi allemande « Sorgfaltspflicht ». Avec Philippe COEN, THE WALT DISNEY COMPANY, Kyrill FARBMANN, McDONALD’S CORPORATION, Vincent FILHOL, MINISTERE DE L'EUROPE ET DES AFFAIRES ETRANGERES / GRECO, Philippe PORTIER, JEANTET, Mansur POUR RAFSENDJANI, NOERR
Selon Philippe COEN, vice président, THE WALT DISNEY COMPANY, la capacité des entreprises de s’affirmer comme citoyennes, en accord et en partenariat avec les ONG, dans un souci éducatif est probablement ce qui nous attend en matière d’efficacité des normes de vigilance.
« Les années à venir vont être charnières. Elles constitueront un nouveau tournant pour travailler en cohésion avec les ONG pour plus d’éthique et d’humanité. »
Philippe COEN
Le 27 mars 2017 a été promulguée la loi française sur le devoir de vigilance. Cette loi, fruit d’un long combat de la société civile, est un premier pas inédit avec lequel la France était le pionner européen. Toutefois, ce texte à une faiblesse majeure nous indique Philippe Portier, avocat associé, JEANTET, c’est qu’il ne sanctionne pas par un régime d’amende comme la loi Sapin 2, il prévoit juste un régime de responsabilité civile qui a du mal à se mettre en œuvre, ne serait-ce que parce que les normes à protéger (droits de l’humain, etc.) sont insuffisamment définies. Le texte français est incitatif, mais relève encore largement de la soft law dans la perception des entreprises. En Allemagne, c’est différent, affirme Mansur Pour RAFSENDJANI**,** avocat associé, NOERR. Les sanctions y sont drastiques. L’autorité compétente est le BAFA qui compte plus de 60 employés.
« Les amendes peuvent aller jusqu’à 800 000 euros par infraction. Les sanctions pourront même atteindre 2% du chiffre d’affaires annuel pour les groupes pesant plus de 400 millions d’euros. »
Mansur Pour RAFSENDJANI
Nous constatons en Allemagne donc un régime bien plus précis et offensif souligne Philippe Portier qui estime que la mise en place de plans de vigilance s’accélèrera en conséquence outre-Rhin.
« En France, il est fort probable qu’on doive à moyen terme se confronter à la même évolution. Le projet de directive européenne prévoit notamment un cumul du système français – avec un principe de responsabilité civile aux conséquences pénales possibles – et du système allemand – avec des sanctions administratives dont on ne connaît encore pas la mesure. On sait toutefois qu’elles devront en principe être proportionnelles au chiffre d’affaires des contrevenants (maximum 2% en Allemagne aujourd’hui). »
Philippe PORTIER
La directive peut tout à fait prévoir un régime de sanctions administratives comme en Allemagne dont on ne connaît évidemment pas la mesure pour le moment mais qui pourrait probablement fonctionner de la même manière. Les entreprises doivent alors prendre des mesures adéquates pour prévenir ou atténuer les risques afin de se protéger contre les atteintes aux droits de l’homme et à l’environnement. La loi allemande qui adopte une approche expressément fondée sur des risques directes et coûteux contient donc des dispositions plus spécifiques sur la mise en place d’un système de pénalisation que la loi française. Quant à la directive européenne, une fois transposée par les États membres, elle apporterait un mécanisme puissant pour renforcer les effets positifs des pratiques commerciales des multinationales et en réduire les effets négatifs. Elle permettrait de s’assurer que les activités des entreprises s’alignent sur les objectifs de développement de l’UE en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption. Cela pourrait ouvrir la voie à une pratique plus uniforme pour les entreprises exerçant des activités sur le continent.
_Article rédigé par Dimitri Samandov. _
Les citations ont été recueillies lors de la table ronde organisée le 8 avril 2022 dans le cadre du GACS.
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