Devoir de vigilance européen très affaibli voté in extremis au Conseil européen

Christophe BARDY - GRACES community
18/3/2024
Propulsé par Virginie
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Après plusieurs semaines de rebondissements et de revirements, le devoir de vigilance européen vient d’être validé au Comité des Représentants Permanents des Etats membres (COREPER) ce vendredi 15 mars. Une étape importante avant la possible adoption définitive de cette directive CSDDD (Corporate Sustainability Due Dilligence Directive) qui vise à créer une obligation pour les multinationales de protection des droits en matière sociale et environnementale.


C’est “une victoire historique pour les droits humains et l’environnement”, selon le député socialiste français Dominique Potier, qui a porté le devoir de vigilance en France. Un vote également salué par Pascal Canfin : “c’est une avancée majeure du Pacte Vert”, se réjouit l’eurodéputé Renaissance auprès de Novethic. “L’humain et la planète l’emportent sur le cynisme. Merci beaucoup à la Présidence belge pour tous ses efforts !”, se félicite Lara Wolters, rapporteuse socialiste du texte au Parlement Européen. Une avancée toutefois en demi-teinte, car c’est une version amputée et diluée de la directive initiale qui a permis de trouver ce compromis de dernière minute.


Les obligations de vigilance revues à la baisse, moins d’entreprises concernées


Le champ d’application a ainsi largement été réduit par rapport au compromis validé en décembre dernier par les institutions européennes, sous la pression des lobbies économiques, des libéraux et de l’extrême droite. Seules les entreprises de plus de 1 000 salariés seront concernées (contre 500 auparavant) et à partir de 450 millions d’euros de chiffre d’affaires au lieu de 150 millions dans la version initiale. Au total, 5300 entreprises sont donc ciblées au lieu de près de 15 000 dans la directive initiale. Cette dernière proposait également d’instaurer un devoir de vigilance obligatoire pour les entreprises opérant dans les secteurs où les risques d’atteinte aux droits humains et environnementaux sont fréquents (industrie textile, agriculture, sylviculture et pêche, agro-alimentaire, activités minières et secteur de la construction). Mais cette approche dite par secteurs à haut risque a été supprimée.


Il n’est désormais plus non plus mentionné d’obligation pour les entreprises d’engager les moyens pour faire face aux risques climatiques. L’obligation pour les entreprises de s’assurer du respect des droits sociaux et environnementaux sur l’aval de leur chaîne de valeur, c’est-à-dire sur la fin de vie des produits ou le recyclage et le traitement des déchets par exemple, a également été supprimée. Tout comme la responsabilité sur le plan civil des entreprises en cas de non-respect de leurs obligations de vigilance, ce qui aurait permis aux victimes d’obtenir indemnisations et dommages et intérêts. Chaque Etat membre sera libre de l’intégrer ou non dans sa transposition. Si le texte européen reste plus ambitieux que la loi française actuelle, notamment en matière de seuils, il s’agit tout de même d’un recul significatif par rapport aux engagements pris par les institutions européennes en décembre dernier.


Vers une validation au Parlement avant les élections


“Cette victoire est largement entachée des reculs du Conseil sous la pression des lobbies industriels qui se battent contre le texte depuis le début des négociations”, analyse Marie Toussaint, eurodéputée et tête de liste Europe Ecologie Les Verts pour les élections européennes. Même son de cloche dans le monde associatif : Les Amis de la Terre, Sherpa, CCFD-Terre Solidaire, la Fédération internationale pour les droits humains et ActionAid France affirment ainsi dans un communiqué : “Ce vote, qui n’est qu’un premier pas dans la bonne direction, démontre que rien n’est jamais acquis en matière de protection des droits humains et de l’environnement.” Pour Richard Gardiner, chargé des politiques européennes à la World Benchmarking Alliance, “c’est tout de même un grand, grand moment pour la responsabilité sociale des entreprises”. “C’est la tentative la plus aboutie de passer de normes volontaires au droit dur”, ajoute-t-il.


Ce vote ne signifie toutefois pas l’adoption définitive du texte. “Il ouvre la porte à l’adoption du même texte par le Parlement, mais ce dernier devra travailler vite pour le valider avant la dernière session plénière d’avril”, explique Richard Gardiner. Le Parlement va-t-il voter ce texte, qui est significativement différent de celui qu’il avait validé l’an dernier ? “Avant le Parlement, la Commission des affaires juridiques doit encore donner son feu vert, peut-être la semaine prochaine, et il faut voir si les parlementaires vont voter ce compromis qui a été décidé sans eux”, commente auprès de Novethic Marcellin Jehl, juriste et chargé de contentieux pour Les Amis de la Terre. Plusieurs parlementaires européens nous ont assuré, qu’il “vaut mieux un texte, que pas de texte du tout”. “Vu le contexte politique actuel, il ne faudra rien lâcher et continuer la mobilisation jusqu’à l’adoption définitive du texte”, précise Marie Toussaint.

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