Depuis son adoption en novembre 2016, la loi dite « Sapin 2 » ne cesse de susciter le débat. Le texte relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique vient de faire l’objet d’une mission d’évaluation pilotée par les députés Raphaël Gauvain et Olivier Marleix. Dans leur rapport d’information publié début juillet (1), ces derniers dressent un bilan de la loi Sapin 2 et proposent 50 pistes d’amélioration. Rencontre avec le député Raphaël Gauvain pour nous éclairer sur les évolutions possibles.
Quels ont été les bénéfices de la loi Sapin 2 notamment en matière de prévention ?
_Il y a incontestablement un avant et un après la loi Sapin 2. La France était en 2015, très en retard en matière de lutte contre
la corruption. A tel point que les grandes entreprises françaises étaient la cible des tribunaux étrangers, en particulier américains,
qui nous reprochaient notre inaction en la matière et sanctionnaient durement nos entreprises. Face à ces insuffisances, la loi Sapin 2 a permis plusieurs avancées, à travers notamment la création de l’Agence française anticorruption (Afa) et l'obligation générale de prévention de la corruption à l’attention des personnes morales. L’ambition de cette loi était extrêmement forte et a permis à la
France de se hisser au niveau des meilleurs standards internationaux._
Quel bilan dressez-vous pour les entreprises françaises ?
La loi Sapin 2 a permis à notre pays de recouvrer sa souveraineté judiciaire. Nous l’avons constaté avec les récentes affaires Société générale et Airbus, par exemple. Désormais, c’est la France qui poursuit et condamne ses entreprises en matière de corruption. Le bilan est également positif pour les sociétés tricolores. Il y a eu une avancée extrêmement importante. Les entreprises ont bien intégré les exigences de conformité. Le bilan de l’action de l’Afa est tout aussi satisfaisant, même s’il doit être nuancé. L’agence a été créée rapidement et a vite démarré ses activités. Si des problèmes de méthode ont pu être relevés lors des premiers contrôles, ces derniers sont en voie d’amélioration suite à des évolutions notables apportées par l’agence. Toutefois, la France demeure à la 23e place du classement de Transparency International, ce qui n’est pas satisfaisant. Il y a actuellement une enquête de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et nous craignons que le résultat ne soit pas très bon. C’est pour cela que nous faisons ces propositions, pour donner un nouveau souffle à la lutte contre la corruption en France. Il faut aller vite, car il y a urgence.
Votre proposition n° 28 porte notamment sur « le renfort de la confidentialité des avis juridiques et la réflexion autour de l’instauration d’un legal privilège à la française ». Quels résultats en attendez-vous ?
Actuellement, les juristes d’entreprises françaises sont dans une situation de très grande vulnérabilité par rapport à leurs homologues de la plupart des grands pays partenaires économiques de la France, du fait de l’absence de protection de leur avis juridique, vis-à-vis des autorités d’enquêtes. Nos entreprises ne pourront pas durablement se conformer aux exigences toujours plus fortes en matière de conformité si nous ne leur accordons pas cette protection. C’est totalement contradictoire, et c’est le sens de la proposition. J’ai déjà fait des recommandations en la matière. Mais la protection des avis juridiques des juristes d’entreprises doit s’accompagner d’une réforme de la profession d’avocat afin de permettre à ce dernier d’aller travailler en tant que salarié en entreprise. Les avocats sont divisés sur le sujet, et n’arrivent pas à se mettre d’accord. Les pouvoirs publics doivent trancher. Ce qui est en jeu dans ce débat, ce ne sont pas uniquement les avocats, ce sont également nos entreprises et, surtout, la jeune génération qui arrive sur le marché du travail.
Selon vous, quels impacts auront vos propositions sur les professionnels du droit ?
Le renforcement des obligations en matière de conformité contribue à valoriser la place du droit et des juristes/avocats dans l_’entreprise. C’est indéniable. Ce mouvement, amorcé il y a quelques années et qui nous vient des Etats-Unis, est en tout point positif. La valorisation du droit en entreprise est un moyen d’orienter l’action du management des entreprises vers une meilleure connaissance, une plus grande prise en compte et, in fine, un plus grand respect de la règle de droit._
Propos recueillis par Céline Valensi
p/o Virginie Gastine Menou
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