Emmie Ladouès et Clotilde Labrot travaillent au sein de RegLab, une regtech internationale qui propose des solutions liées aux obligations de conformité et de LCB-FT à destination notamment des avocats. RegLab aide tous les avocats à automatiser les procédures d’accueil de leur clientèle, et identifie, surveille, informe les clients et stocke leurs informations en amont de la relation de travail.
« Aux termes de l’article L 561-2, 13°) du Code monétaire et financier (‘CMF’), les avocats sont assujettis aux obligations prévues par les dispositions des sections 2 à 7 du chapitre Ier du Titre VI du Livre V de ce code dans les conditions prévues à son article L 561-3 ».
De quoi s'agit-il exactement ? Quelles sont ces obligations auxquelles les avocats sont soumis dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions ? Cet article a pour objectif de vous présenter six points clés au sujet des obligations des avocats concernant la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
En raison de leur activité professionnelle, les avocats ont été ciblés en tant que profession à risque. De ce fait, ils sont à présent soumis à un arsenal législatif conséquent concernant la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, la difficulté étant de trouver un équilibre entre le dispositif LCB-FT et le secret professionnel propre à leur profession.
Le dispositif LCB-FT est issu de la directive UE 2015/849 (dite AMLD4) et de la directive 2018/843 (dite AMLD5), transposées en droit interne au sein du Code monétaire et financier. Par ailleurs, le Conseil National des Barreaux (‘CNB’) dispose de son propre guide, qu'il met à la disposition des avocats afin de les assister dans la mise en œuvre de leurs obligations. Le guide est consultable en suivant ce lien.
Aux termes de l’article L.561-3 I du Code monétaire et financier, les avocats ne sont pas soumis aux obligations LCB-FT pour l’ensemble de leurs activités. Ils y sont uniquement soumis lorsque, « dans le cadre de leur activité professionnelle » :
« 1. (Ils) participent, au nom et pour le compte de leur client à toute transaction financière ou immobilière ou agit en qualité de fiduciaire ;
2. (Ils) assistent leur client dans la préparation ou la réalisation des transactions concernant :
a) L’achat et la vente de biens immeubles ou de fonds de commerce ;
b) La gestion de fonds, titres ou autres actifs appartenant au client ;
c) L’ouverture de comptes bancaires, d’épargne ou de titres ou de contrats d’assurance ;
d) L’organisation des apports nécessaires à la création des sociétés ;
e) La constitution, la gestion ou la direction des sociétés ;
f) La constitution, la gestion ou la direction de fiducies, régies par les articles 2011 à 2031 du code civil ou de droit étranger, ou de toute autre structure similaire ;
g) La constitution ou la gestion de fonds de dotation ou de fonds de pérennité.
3. (Ils) fournissent, directement ou par toute personne interposée à laquelle (ils) sont liées, des conseils en matière fiscale».
Les cabinets spécialisés en droit immobilier, droit des sociétés, fusions et acquisitions, banque, finance, capitaux et investissement sont ainsi fréquemment soumis au dispositif LCB-FT. En revanche, les cabinets spécialisés en droit de la famille ou en droit du travail y sont moins souvent soumis.
Il existe néanmoins une exemption à ces obligations : l’exemption de déclaration de soupçon. Lorsque l'activité se rattache à une procédure juridictionnelle ou lors de consultations juridiques, toutes les informations reçues et conservées dans ce cadre sont protégées par le secret professionnel - excepté lorsque l'avocat sait ou soupçonne que les opérations sont réalisées à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.
L’avocat doit identifier tout nouveau client, l’objet et la nature de la nouvelle relation d’affaires, ainsi que documenter et motiver cette identification. Selon le profil de risque identifié, l'avocat doit ensuite mettre en place des mesures de vigilance maintenues pendant toute la durée de la relation d’affaires.
Les informations recueillies doivent être conservée pendant cinq ans.
Le bénéficiaire effectif est la ou les personnes physiques « qui contrôlent, en dernier lieu, directement ou indirectement, le client » ou « pour laquelle une opération est exécutée ou une activité exercée ». Toutes les informations concernant les bénéficiaires effectifs sont disponibles dans le registre des bénéficiaires effectifs (dont les modalités d’accès sont disponibles dans ce document)
L'avocat est libre d’alléger ou de simplifier le dispositif d'identification si le risque de blanchiment d’argent ou de financement de terrorisme est faible. Cette décision doit être motivée et justifiée auprès du Conseil de l'Ordre. Les différents niveaux de risques ont été cartographiés par le CNB, l'Ordre de Paris et la Conférence des bâtonniers dans l'Analyse Sectorielle des Risques (ASR) consultable en suivant ce lien.
Par ailleurs, une obligation de formation incombe aux avocats ainsi qu'aux personnels juridiques ou administratifs concernés par les dispositifs LCB-FT des cabinets.
Ces mesures doivent être mises en place par des procédures internes écrites propres au cabinet.
L'avocat doit procéder à la déclaration de soupçon s’il sait, soupçonne ou a de « bonnes raisons de soupçonner » que les sommes utilisées pour l’opération en cause proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou sont liées au financement du terrorisme. La jurisprudence du Conseil d’Etat, développée pour les professions financières, a défini le soupçon comme une « absence de certitude » (CE, 3 déc. 2003, n° 247985).
Il convient de rappeler que seules les opérations entrant dans le champ de l’article L.561-3 du Code monétaire et financier doivent faire l’objet d’une déclaration de soupçon. Une fois cette première vérification effectuée, les avocats sont personnellement tenus de procéder à une déclaration de soupçon écrite lorsque :
« Le soupçon lié à des infractions punies de plus d’un an d’emprisonnement ou au financement du terrorisme.
Le soupçon de fraude fiscale (II de l’article L. 561-15).
Les déclarations faisant suite à un examen renforcé (cf. III de l’article L.561-15).
Les déclarations en lien avec une rupture de la relation d’affaires (cf. Article L. 561-8).
Les tentatives d’opérations mentionnées aux I et II de l’article L. 561-15 (V de l’article L. 561-15).
Cette déclaration doit être remise au bâtonnier - à la différence d'autres professions, pour lesquelles la déclaration de soupçon se fait via un formulaire en ligne sur le site de Tracfin.
La décision Michaud c/ France de 2012 a établi que l'avocat doit adresser la déclaration de soupçon uniquement et directement à son bâtonnier, lequel, agissant en garant du secret professionnel, vérifie que l'opération est conforme à la loi. En cas de soupçon confirmé, le bâtonnier se charge de transmettre la déclaration à Tracfin.
En cas de manquement à leurs obligations concernant la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, les avocats encourent des poursuites disciplinaires et, depuis l’ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016, des sanctions supplémentaires sont applicables à toutes les professions assujetties aux obligations LCB-FT.
Le Conseil National des Barreaux propose un recueil de questions clés pour tout avocat entrant dans une relation d’affaire avec un client. Le guide est consultable en suivant ce lien.
Emmie Ladouès, Clotilde Labrot
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