Suisse : Loi contre le terrorisme

Christophe BARDY - GRACES community
18/6/2021
Propulsé par Virginie
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La Suisse adopte une loi controversée sur le terrorisme

Les Suisses ont accepté une loi destinée à étendre les pouvoirs de la police pour contrer la menace terroriste. Nécessaire pour les uns, abusive pour les autres, la nouvelle base légale a suscité un vif débat autour de l’équilibre entre sécurité et liberté.

En Suisse, les forces de l’ordre pourront intervenir de manière préventive contre les personnes soupçonnées de terrorisme. Près de 57% des Suisses ont soutenu dimanche la nouvelle loi contre le terrorisme. Un résultat plus serré que ce qu’indiquaient les sondages.

Élaborée en 2015, à la suite des attentats contre le journal satirique français Charlie Hebdo à Paris, la loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorismeLien externe (MPT) permettra de prendre une série de mesures à l’encontre d’un individu qu’on soupçonne de représenter une menace, même si «les indices ne suffisent pas pour ouvrir une procédure pénale».

La Suisse suit ainsi la tendance initiée par d'autres États européens, qui connaissent déjà ce genre de mesures préventives. La révision de la loi helvétique prévoit notamment la possibilité de placer une personne potentiellement dangereuse en résidence surveillée. Un instrument présent également en France, en Italie, en Autriche ou au Royaume-Uni, comme l’indique un avis de droit de l'Institut suisse de droit comparé (ISDC). En revanche, cela n’est pas prévu par la loi allemande.

Une définition plus précise pour éviter les abus

Les opposantes et les opposants au projet, principalement issus des rangs de la gauche, dénoncent l’adoption d’une base légale abusive et qui va à l’encontre de l’État de droit. «Nous ne parviendrons pas à combattre le terrorisme, en essayant de réduire la marge de liberté», s’est indigné le coprésident du Parti socialiste (PS / gauche) Cédric Wermuth, interrogé par la Radio Télévision Suisse (RTS). Il craint notamment que la loi ne soit utilisée contre des militants pacifistes, comme les grévistes du climat.

La campagne avait rebondi début juin, lorsque des perquisitions externe avaient été menées auprès d’activistes du climat. Selon les militants, les MPT risquent de rendre ces pratiques plus courantes. Le comité référendaire appelle ainsi à une application proportionnée de la loi.

Virginie Cavalli, coprésidente des jeunes vert'libéraux et membre du comité référendaire, espère que des «débordements» ne se reproduiront plus. Elle souligne que les mesures ne doivent être utilisées qu'en «ultima ratio».

Pour éviter les abus, les Verts veulent définir plus précisément la notion de terrorisme dans la loi acceptée dimanche. Ils ont déjà annoncé le dépôt d’une initiative parlementaire en ce sens.

La définition du terrorisme devrait se baser sur celle de la loi fédérale sur le renseignement. Celle-ci présuppose un danger pour la vie, l'intégrité physique et la liberté des personnes. Les écologistes demandent que le texte de loi soit complété avec l'intention de commettre un crime.

«Il ne faut pas avoir plus peur de la police que du terrorisme»

Les activistes du climat, ou d'autres manifestants, ne seront pas impactés par les mesures policières de lutte contre le terrorisme, assurent, de leur côté, les défenseuses et les défenseurs de la loi. «Il ne faut pas avoir plus peur de la police que du terrorisme, même s'il faut avoir un oeil sévère et critique sur les agissements de la police pour éviter les dérapages», a commenté la députée du Parti libéral-radical (PLR / droite) Jacqueline de Quattro, sur les ondes de la RTS.

La ministre de Justice et Police Karin Keller-Sutter avait également affirmé récemment dans la presse externe que cette nouvelle loi ne s’appliquerait pas aux activistes. Une déclaration qui devra faire ses preuves dans l’application de la MPT.

Des craintes pour les droits humains

Les activistes des droits humains ne sont en tout cas pas rassurés par les affirmations du gouvernement. Amnesty International est convaincue que la législation ne vise en effet pas uniquement les terroristes potentiels, mais peut aussi servir à réprimer des mouvements de protestation légitimes. «Avec cette loi, la Suisse se dote d'une définition du terrorisme imprécise qui ouvre la porte à l'arbitraire policier», écrit l’ONG dans un communiqué. Propager la crainte dans une intention politique sera déjà considéré comme du terrorisme, même si aucune menace d'acte violent n'est établie ni aucune infraction pénale commise, poursuit Amnesty International.

Ces critiques sont partagés par de nombreuses autres ONG, des experts juridiques, ainsi que la commissaire aux droits humains du Conseil de l'Europe et plusieurs experts de haut rang des Nations unies. La semaine dernière encore, l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) écrivait que «ces nouvelles mesures antiterroristes pourraient ouvrir la porte à des informations obtenues par la torture».

L’enjeu est désormais l’application du texte

Si le soutien aux MPT est moins massif qu'attendu, il n’est pourtant pas une surprise. Le quotidien 24 heures externe rappelle que le gouvernement avait déjà remporté une votation sur un même enjeu sécuritaire en 2016, lorsque les Suisses avaient approuvé à plus de 65% la nouvelle loi sur le renseignement. Cette fois, le oui a toutefois reculé, passant à moins de 60%. «Cela montre que l’État ne va pas pouvoir continuer à renforcer son arsenal sécuritaire en espérant que cela passe comme une lettre à la poste. Une petite satisfaction pour les opposants qui perdent ce dimanche», écrit le journal vaudois.

Le site d’information externe Heidi.news place ce oui dans le contexte sécuritaire international actuel. Il constate que «le réflexe de la peur a joué». «C’est donc une victoire pour les partisans d’un renforcement de l’arsenal sécuritaire helvétique. C’est une défaite pour les partisans des libertés individuelles et les défenseurs des droits humains», ajoute l’éditorialiste.

Le Temps, lui, estime que l’enjeu est désormais l’application des MPT, soulignant que «son acceptation n’est absolument pas un blanc seing». «Les ONG de défense des droits humains, tout comme la classe politique ou la société civile dans son ensemble, auront pour mission de dénoncer tous abus», écrit l’éditorialiste du quotidien édité à Genève.

p/o Virginie Gastine Menou

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