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En quoi les legal tech peuvent contribuer à la prise de décisions relatives à la compliance ?
Qui dit compliance, dit larges volumes de données à traiter (évaluation des tiers, contrôles comptables, enquêtes à la suite d’alertes internes, gestion des entretiens entrant dans l’établissement de la cartographie des risques, etc.). La digitalisation des processus est donc une nécessité tant pour répondre aux exigences légales que pour maîtriser les coûts liés aux obligations de conformité.
Comment les directions juridiques et conformité collaborent-elles avec leurs conseils et les legaltech pour concevoir des solutions adaptées à ces enjeux ? Comment ces outils peuvent-ils faciliter et documenter la prise de décision tout en assurant la sécurité des données ?
Voici quelques-unes des interrogations auxquelles les experts invités à une table ronde organisée par les Business & Legal Forums ont apporté des éléments de réponse.
« Le recours aux solutions technologiques pour accompagner la prise de décisions dans le cadre de dispositifs de compliance est une pratique qui s’est installée ces dernières années au sein des entreprises »
Ghislain de Lagrevol, CEO, créateur des Business & Legal Forums
« Cependant celle-ci s’est installée avec une certaine marge d’incertitude car cela pose la question de l’apport de la machine dans un process décisionnel (et de ses conséquences) et nous amène à réfléchir à l’approche collaborative homme/machine. » ajoute et observe en préambule à la discussion, Ghislain de Lagrevol.
« Il y a deux grands types d’outils : ceux basés sur l’apprentissage machine et ceux basés sur le traitement automatique du langage naturel ou Natural Language Processing en anglais. Il est important de maîtriser ces termes pour bien saisir les enjeux technologiques correspondants. » explique Franck Missongo. Un des principaux avantages de ces solutions est de permettre d’analyser des volumes très importants d’informations multi sources et multi formats. Grâce à ces solutions, il est possible de détecter de potentielles fraudes voire des problèmes de corruption au sein de l’entreprise et de ses filiales. « Le dernier atout sur lequel j’insisterai également, c’est la préservation des données permises par ces solutions, vis-à-vis des menaces cyber appelées à se développer. » ajoute l’expert.
« Les décideurs peuvent ainsi trancher des questions sur la base d’éléments d’analyse et de compréhension des problématiques en jeu beaucoup plus élaborés. »
Franck MISSONGO, Business Development Manager, KL DISCOVERY, société spécialisée dans les logiciels d’e-discovery
« Evidemment, l’outil n’a pas vocation à se substituer aux décideurs pour arrêter le choix final, mais il va accompagner la prise de décision et l’enregistrer. De cette façon, toute la chaîne décisionnelle (validation ou rejet d’un tiers devant être évalué, par exemple) est documentée. », analyse Franck Verdun. Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue que cela peut poser des problèmes opérationnels (retombées sur le système d’information de l’entreprise) susceptibles de freiner l’avancée de ces outils dans l’entreprise. Sans oublier les questions d’efficience économique et humaine (mobilisation des ressources en interne) qui se posent inévitablement et qu’il faut résoudre en amont.
Evidemment, l’outil n’a pas vocation à se substituer aux décideurs pour arrêter le choix final, mais il va accompagner la prise de décision et l’enregistrer.
Franck VERDUN, avocat associé, VERDUN VERNIOLE AVOCATS
Le choix, la configuration et la maîtrise du déploiement de ces solutions technologiques sont primordiaux comme le montre l’expérience de Patrick Remot. « Une entreprise doit toujours faire avec des limites en termes de temps, de moyens financiers et de ressources internes donc le coût et le délai sont des critères d’appréciation importants. C’est la raison pour laquelle, dès le départ, nous avons choisi de travailler avec des legaltech car elles se montrent plus agiles que les acteurs traditionnels du marché. De plus, leurs tarifs sont plus avantageux. » déclare Patrick Remot. Pour mener à bien ce projet, l’entreprise a choisi de faire participer tous les opérationnels (direction financière, IT, etc.) à l’évaluation des tiers avec en amont une solide réflexion menée grâce à un travail collaboratif horizontal et vertical pour maximiser l’efficience de la technologie.
« Nous avons choisi de travailler avec des legaltech car elles se montrent plus agiles que les acteurs traditionnels du marché. De plus, leurs tarifs sont plus avantageux. »
Patrick REMOT, directeur juridique et conformité, CLEAR CHANNEL France
Pour Hugues Bouthinon-Dumas, « s’interroger sur l’apport potentiel des solutions technologiques dans la prise de décisions relatives à la conformité nous pousse à nous interroger sur le choix des moyens à la disposition d’un acteur économique pour répondre à une obligation légale ». Le fait d’avoir à choisir éventuellement un outil technologique pour répondre à cette obligation légale oblige aussi cet acteur à se poser la question du coût de l’utilisation d’une solution externalisée, ce qui est fait beaucoup moins souvent.
» S’interroger sur l’apport potentiel des solutions technologiques dans la prise de décisions relatives à la conformité nous pousse à nous interroger sur le choix des moyens à disposition d’un acteur économique pour répondre à une obligation légale. «
Hugues BOUTHINON-DUMAS, professeur de droit, ESSEC BUSINESS SCHOOL
Pour le régulateur qu’est l’Agence française anticorruption (AFA), les technologies posent de multiples questions. La grande nouveauté en termes d’application (régulation des tiers), c’est que l’information n’est pas structurée et sa qualité n’est pas assurée. « Il faut au minimum un contrôle de deuxième ou de troisième niveau, mais il est hors de question de tout déléguer au dispositif car on oublie la qualité d’information », estime Gaëtan Poncelin de Raucourt. « Il serait assez étonnant qu’un algorithme décide des bonnes mesures pour chaque cas d’espèce. On a encore besoin au niveau du régulateur d’avoir une assurance que la décision a été prise de manière pertinente et efficace. Donc on reste nécessairement avec une intervention humaine. » complète-t-il.
« Il faut au minimum un contrôle de deuxième ou de troisième niveau, mais il est hors de question de tout déléguer au dispositif car on oublie la qualité d’information. »
Gaëtan PONCELIN DE RAUCOURT, adjoint du sous-directeur de contrôle en qualité de chef du département des acteurs économiques, AGENCE FRANCAISE ANTICORRUPTION
Il reste encore du chemin à parcourir mais nous sommes sur la bonne voie. Le passage de la théorie à la mise en pratique est un exercice particulièrement complexe.
Nous y reviendrons lors de prochaines rencontres des Business & Legal Forums.
p/o Virginie Gastine Menou
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